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whiplash
Note de la rédaction :

Whiplash est un film de Damien Chazelle, adapté d’un court métrage du même réalisateur, ayant remporté le Prix du jury au festival de Sundance 2013.

L’histoire en bref

L’histoire est très classique : Andrew Neiman est un jeune batteur de jazz et étudie au prestigieux Shaffer Conservatory à New York. Il veut par tous les moyens devenir « le meilleur », ce qui est une bonne chose.

[SPOILER] Il se fait repérer par Terence Fletcher, enseignant et chef d’orchestre du meilleur groupe de jazz de Shaffer. Celui-ci s’avère être ce qui ressemble fort à un pervers narcissique. ll lui fait donc miroiter une place dans le groupe qu’il dirige, avant de le mettre de côté. Puis, il le complimente et lui donne la place de 1er batteur, avant de, une nouvelle fois, l’humilier et le remplacer par quelqu’un d’autre. En parallèle, une vague histoire d’amour relativement insignifiante, nous fait comprendre que le jeune Andrew est prêt à tout sacrifier pour devenir un grand batteur : il décide de se séparer de sa copine avant que celle-ci ne devienne trop envahissante et ne détruise ses beaux rêves de gloire. En effet, il n’est pas question d’autre chose que de gloire dans ce film : Andrew est passionné de jazz mais son investissement ne lui apporte aucune transcendance. Il veut juste être le meilleur : comme n’importe quel sportif de haut niveau en herbe. Un passage du film le verra d’ailleurs se comporter de façon odieuse envers un autre jeune de la famille en lui rappelant qu’il est certes quaterback mais qu’il joue « seulement » en 3ème division. Donc, oui il ne s’agit que de cela, être le meilleur. Comme si Miles Davis se comparait avec les autres. Comme si John Coltrane, lui qui s’est lancé dans des contrées avant-gardistes alors que sa carrière prenait enfin son envol en avait quelque chose à faire d’être le meilleur…

Tout cela dure pendant une heure, ce qui peut paraître long. Enfin, un rebondissement inattendu se produit : un événement inattendu fait que sa carrière naissante prend du plomb dans l’aile.

Le dénouement : notre jeune batteur croise dans une boîte de jazz son professeur qui, entre temps, a été viré de l’école. Ce dernier lui propose de faire partie de son groupe et de jouer devant la fine fleur de la critique new-yorkaise. C’était un piège évidemment, Andrew est dupé une nouvelle fois pour le grand bonheur de son ancien professeur qui souhaitait détruire dans l’oeuf la carrière du jeune batteur. Mais Andrew ne l’entend pas ainsi et remonte sur scène comme Rocky remonterait sur un ring. Il gagnera avec ou sans son professeur. Quant à savoir s’il comprendra un jour la musique, c’est une autre histoire…

Qualités :

Filmé comme si on y était

Défauts :

Scénario/Manque de maturité du réalisateur/Vision et discours absents ou absconds/Positionnement de l’auteur/Narration tourne à vide

“Practice is about beating your head against the wall. So if you’re actually serious about getting better at something, there’s always going to be an aspect of it that’s not fun, or not enjoyable. If every single thing is enjoyable, then you’re not pushing yourself hard enough, is probably how I feel. But this movie takes it to a extreme that I do not condone.”

Damien Chazelle

Full Metal Jacket

Damien Chazelle parvient à nous faire partager sa passion pour la performance mais, non, ce réalisateur, sans doute passionné par le jazz, ne parvient pas à nous faire partager sa passion de la musique. À moins que son propos ne soit de décrire une perversion. D’un point de vue psychologique, le film décrit en effet bien les méfaits des manipulateurs et des pervers narcissiques. Le professeur sait comment amadouer ses élèves puis, au moment où ils ne s’y attendent pas, parvient à les humilier de la façon la plus cruelle qui soit.

Lors des répétitions, personne n’ose regarder le professeur dans les yeux. Celui-ci n’hésite pas à insulter ses jeunes élèves, les humilier en mettant l’accent sur leurs défauts physiques, en évoquant leur vie personnelle que ces-derniers ont eu la naïveté de lui confier. Et pourtant, le réalisateur parvient à le rendre charismatique dans un premier temps, en lui accordant des lignes de dialogues savoureuses. Dans la deuxième partie du film, le réalisateur le rend plus fragile et ose même lui donner une tribune pour que son personnage justifie sa perversion : il sait, il croit savoir, que tout grand musicien déploie son talent à travers des humiliations ou des difficultés incommensurables. Si ces jeunes musiciens n’ont pas percé, c’est qu’ils n’ont pas assez souffert, en somme. En citant au moins 5 ou 6 fois l’anecdote selon laquelle Charlie Parker est devenu Bird après avoir reçu une cymbale dans la figure après avoir été médiocre, tout cela en plein concert. Cet acte séminal selon le réalisateur (certes ayant réellement eu lieu mais qui est loin d’être l’explication ayant fait de Bird ce génie du 20ème siècle) devient la justification de tous les mauvais comportements. Comme le dit lui-même le professeur : un musicien de génie ne sera jamais bridé par des moqueries, au contraire cela le révélera.

On est proche du sujet d’un autre film : Full Metal Jacket de Stanley Kubrick. Dans un contexte de guerre, certes, mais de la même manière que le professeur, le Sergent Hartman s’évertue pendant la première moitié du film à anéantir psychologiquement ses recrues. Il les liquéfie de son aura, de son charisme, de ses mots violents qui pourtant visent juste. Comme dans cette scène où l’instructeur tente d’anéantir toute velléité de ses recrues à avoir une personnalité. Le pathétique et le burlesque s’entremêlent avec une verve inouïe. Les mots détruisent, forgent le caractère de la plupart des recrues, mais anéantissent certains. On rigole dans cette partie du film, mais le drame n’est jamais loin. Kubrick ne justifie pas la déshumanisation des esprits : il critique et dénonce l’armée et son cortège de mauvais traitements visant à détruire la pensée. Dans la deuxième partie du film, les hommes transformés en zombies ne sont plus que l’ombre des jeunes hommes que l’on avait découvert au début de leur formation. Ce que montre Kubrick, c’est que leur transformation a eu lieu en occident, pendant leur formation et le théâtre de la guerre n’en est qu’un prolongement mortifère. Il n’y a rien dans ce film qui tente de justifier la manipulation et la déshumanisation des esprits.

Enfin, non, il n’y a rien de glorieux à vouloir être le meilleur batteur du monde, c’est même ridicule. Alors, pourquoi le réalisateur n’apporte pas un peu de texture à son histoire ? L’aveuglement du personnage principal aurait pu être intéressant si Damien Chazelle avait étoffé son histoire avec d’autres personnages et d’autres perspectives scénaristiques.

Ne reste que son relatif talent pour filmer les scènes musicales. Certains moments, qu’il n’hésite pas à prolonger, sont réellement grisants malgré leur répétitivité.

11
Note globale
Noodles

Fan de cinéma depuis longtemps, je partage mes opinions avec vous. N'hésitez pas à me donner votre avis sur mes critiques. Sur Twitter je suis Noodles, celui qui tombe systématiquement dans le piège des débats relous.

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