Malgré quelques fulgurances, Valérian repose essentiellement sur une direction artistique, splendide par moments, et sur quelques effets de manche dont Luc Besson a désormais le secret…ce qui est trop peu à notre goût. Critique.
Résumé
Au 28ème siècle, Valérian et Laureline forment une équipe d’agents spatio-temporels chargés de maintenir l’ordre dans les territoires humains. Mandaté par le Ministre de la Défense, le duo part en mission sur l’extraordinaire cité intergalactique Alpha – une métropole en constante expansion où des espèces venues de l’univers tout entier ont convergé au fil des siècles pour partager leurs connaissances, leur savoir-faire et leur culture. Un mystère se cache au cœur d’Alpha, une force obscure qui menace l’existence paisible de la Cité des Mille Planètes. Valérian et Laureline vont devoir engager une course contre la montre pour identifier la terrible menace et sauvegarder non seulement Alpha, mais l’avenir de l’univers.
Une direction artistique hors du commun
Pour faire court : le fait que Luc Besson ait travaillé dur pour réaliser Valérian n’est pas un critère discriminant pour que l’on soit plus indulgent que d’habitude sur le produit fini. Il manque trop d’éléments pour en faire un bon film de genre : des enjeux clairs, des personnages attachants, du suspens, de la tension, un arc narratif qui nous fasse ressentir que l’on avance avec les personnages et que ses derniers s’en trouvent changés pour le meilleur et pour le pire. Bref, tout ce qui fait un film d’aventure réussi.
Pourtant, reconnaissons à Luc Besson le talent, toujours renouvelé, de vouloir inventer des mondes inédits : que ce soit le monde post-apocalyptique du Dernier Combat, en passant par les souterrains de Subway, le monde parallèle et paranoïaque de Nikita et, bien entendu, l’univers fantastique du Cinquième Elément. Avec Valérian et la Cité des mille planètes, c’est une nouvelle fois une réussite totale sur ce plan. Pendant les 2h15 que dure ce film, on assiste à une débauche de décors parfois à la limite du bon goût (mais après tout les goûts et les couleurs…), mais toujours inventifs. On retrouve bien entendu les meilleurs aspects baroques du design du Cinquième Elément.
Autre point positif, Luc Besson parvient à dessiner un univers dont la cohérence semble totale. Dans la plupart des films de science-fiction de ces dernières années, on a souvent l’impression que passé le verni des CGI l’univers dépeint repose essentiellement sur des rustines : on voit de grands et beaux décors, quelques accessoires censés nous faire imaginer le futur, mais on a du mal à ressentir ce que serait de vivre dans ces contrées. Tout l’inverse de Valérian qui parvient grâce à un mélange d’inventivité et d’audace formelle, sans doute inspirée par la passion de Besson pour la BD, à dépasser l’anecdotique pour nous donner à voir une proposition de futur envisageable. En cela, la première véritable scène d’action se déroulant dans un marché virtuel, ou plutôt un marché bien réel mais que l’on peut visiter avec des lunettes de réalité augmentée permettant d’interagir avec son environnement (excellente idée narrative), est un modèle du genre. Visuellement superbe, elle parvient surtout à surprendre réellement le spectateur, ce qui est de plus en plus rare avec la production actuelle. Pour cela et quelques autres scènes du même acabit on a envie de sauver Valérian et de vous conseiller d’aller le voir. On pense notamment à la formidable scène d’introduction sur fond de Space Oddity de David Bowie. Petit clin d’oeil : la scène décrivant la rencontre à travers le temps des ambassadeurs terriens avec les autres espèces de l’univers est interprétée par des réalisateurs français gravitant autour d’EuropaCorp : Xavier Giannoli, Louis Leterrier, Gérard Krawczyk, Eric Rochant…
Des faiblesses dans l’écriture
Et pourtant… Que ce Valérian est médiocre sur le fond ! Et c’est presqu’à en pleurer tellement c’est triste de voir un gâchis pareil. La somme de ses qualités artistiques ne parvient jamais à rééquilibrer la balance.
Ce n’est pas que l’histoire de Valérian soit nécessairement mal écrite. En fait, même avec son montage labyrinthe et ses enjeux obscures, il reste plus facile à suivre que le Marvel moyen. En fait, le problème est surtout lié à la caractérisation des personnages. Valérian et Laureline sont des héros sûrs d’eux et efficaces, mais en tant qu’êtres humains ils n’ont rien à offrir, ni aux autres personnages et encore moins au spectateur.
Le personnage de Valérian est un être arrogant et rusé, un peu comme Han Solo, sauf que le jeu de Dan DeHaan n’est pas à la hauteur, sans parler du manque d’empathie généré par la faiblesse de la plupart des dialogues. Quand Valérian ne se chamaille pas avec Laureline, leurs conversations se focalisent uniquement sur son incapacité à s’engager, et ce, jusqu’à la fin du film ! C’est une dynamique relativement paresseuse qui ne permet pas d’approfondir l’un et l’autre des personnages.
Cependant, si dans les moments dramatiques cela ne tient pas la route une seconde, le duo fonctionne bien pendant les nombreuses scènes d’action du film. Bien que très original – DeHaan n’est pas l’archétype du héros de film de SF et c’est très bien – les deux sont convaincants. Cara Delevingne qui avait été plus que moyenne précédemment (Paper Towns ou en tant que méchante dans Suicide Squad), s’en sort finalement le mieux.
Le reste de la distribution est bien plus problématique. Les innombrables rôles secondaires du film sont tous sans exception des plots qui ont l’air de lire leurs lignes de dialogues sans conviction.
Et puis il y a Rihanna… qui ne sert littéralement à rien à part faire une apparition gênante à la limite du bon goût. En fait non, il est franchi au moment où elle se transforme en écolière à nattes sur fond de musique de cabaret. Alors qu’elle est censée réaliser la scène centrale du film sur un plan artistique, son jeu s’avère aussi mauvais qu’inutile au vu de ce que son apparition représente au coeur de l’arc narratif du film. Ce qui soulève un autre point problématique : le nombre incalculable de scènes qui, au final, auraient pu être coupées au montage sans en affecter réellement le déroulement de l’histoire.
Ces quelques éléments rédhibitoires font de Valérian un film faible sur le fond et sur la forme : une histoire quelconque, un scénario artificiellement touffu, des personnages trop légers et des scènes ajoutées par-ci par-là pour attirer le spectateur et, nous sommes au regret de le dire, pour avoir des articles de presse (Rihanna, Alain Chabat, les na’vi – oui car il y a un gros clin d’oeil à Avatar dans l’écriture et le design d’un peuple…).
Mais encore une fois, la force du film ne repose pas sur ces éléments, mais dans la construction de ce monde et dans son inventivité. Si certains éléments peuvent parfois paraître superflus, il est tout de même passionnant de voir comment les habitants de Mul se lavent le visage avec des perles, de voir à quoi le tourisme virtuel pourrait ressembler (dans la fameuse scène dans la cité aux milliers de boutique sur Alpha), ou même à quoi peuvent servir des papillons luminescents et des gros chapeaux sans couvre-chef…
Dans son élément, Besson excelle une fois de plus dans la construction de mondes aussi détaillés qu’inventifs, malheureusement au détriment de son histoire et de ses personnages. Il y a deux possibilités : soit vous vous laisserez porter par les images et les idées avec plaisir, soit vous décrocherez de cette histoire finalement très classique et sans grands enjeux.