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Un jour de pluie à New York de Woody Allen – Critique et analyse [spoiler]

By 18 septembre 2019Critiques
Note de la rédaction :

Présent en film d’ouverture du Festival de Deauville, le dernier long-métrage de Woody Allen a traversé un chemin de croix avant de sortir au cinéma. Tout a commencé autour du mouvement #Metoo et des nombreuses accusations à l’encontre de ces hommes abusant de leurs pouvoirs auprès des femmes dans le milieu du cinéma. De Harvey Weinstein à John Lasseter. L’affaire de Woody Allen, pourtant close en 1993, est ressortie sur Internet et le saint Twitter. Dès lors, les acteurs d’Un jour de pluie à New York,  se sont désolidarisés du film en donnant leur salaire à des associations. Amazon a décidé de ne pas distribuer le film sur le continent nord-américain malgré un contrat qui les engage à collaborer avec Woody Allen jusqu’en 2025. Aujourd’hui des procédures judiciaires sont en cours pour rupture de contrat. Outres cette mésaventure, que peut-on dire du film?

Ashleigh (Elle Fanning) apprend qu’elle va interviewer le réalisateur Roland Pollard (Liev Schreiber) à New-York pour le journal de son université. Gatsby (Timothée Chalamet) profite de cette occasion pour faire visiter le temps d’un week-end la grosse pomme. Rien ne se passe comme prévu. L’interview de Roland Pollard emmène Ashleigh dans une aventure improbable, alors que Gatsby rencontre par hasard de vieilles connaissances. 

C’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure confiture

Après une remontada avec Match Point, Blue Jasmin et Minuit à Paris, le réalisateur a de nouveau partagé, voire ennuyé les spectateurs en accumulant les films mineurs, se ressemblant et se répétant. Malgré tout, une qualité lancinante traverse ses films, entre L’homme irrationnel et Wonder Wheel. Des fulgurances au profit d’une filmographie déjà riche.

Un jour de pluie à New York porte en lui une écriture se référant à des décennies de films de Woody Allen. Un nouveau vaudeville, un nouveau jeu de l’amour et du hasard, le réalisateur propose un film faisant écho aux générations de personnages interprétés entre autre par Woody Allen lui même, Diane Keaton, Mia Farrow… Ici nous retrouvons à nouveau des jeunes intellectuels filmés à New York, allant à des rencontres fortuites, des débats merveilleux, drôles et enflammés, avec ce plaisir répété du verbe dans l’utilisation de la voix off. Comme des ingrédients renouvelés, comme une sauce, un plat, qui nous laissent chaque jour un goût différent en bouche, car le dosage a implacablement varié pour des raisons relevant du mystère. 

Il est question dans ce film d’une introspection impliquant ces personnages. Au départ désagréable, le jeu de l’acteur Timothée Chalamet surprend et ennuie. Un surjeu vulgaire en apparence mime dans les grands traits un Woody Allen contemporain. Nez aquilin, maigrichon et personnage excentrique, on comprend rapidement qu’il s’agit d’un double rôle, Timothée Chalamet joue Gatsby qui est un avatar en plus beau et plus jeune de ce dernier. Néanmoins le jeune acteur manque de relief, il n’arrive que rarement à mener à bout de son interprétation. Elle Fanning, quant à elle, saisit à merveille son personnage qui est l’inverse de Gatsby, au premier abord simpliste, explose dans une absurdité pleine de sensibilité. 

L’importance des noms

Un jour de pluie à New York porte une grande importance aux noms. Il suffit de voir le nom d’Ashleigh qui détonne par sa dualité( Ashleigh/Ashley). On peut y mettre toutes les interprétations possibles, mais il est amusant de se rendre compte des situations comiques que procure l’orthographe du nom, comme si le nom reflétait la personnalité du personnage. Ashleigh ne semble jamais être ce que l’on dit d’elle. Gatsby, lui, est romantique, comme le personnage de Fitzgerald, il refuse un monde qui lui est impropre et son argent, et voit sa situation comme un jeu. Il est également présenté comme un joueur invétéré mettant en jeu l’argent de sa famille.  

Telle une comparaison extraordinaire de deux époques, on a parfois l’impression d’un état des lieux du monde cinématographique du réalisateur. Il joue l’intemporalité de ses personnages, et les met au défi de survivre à notre époque. Celle où le romantisme est devenu un terme galvaudé, où l’intimité n’existe plus à cause des téléphones portables, des directs à la télé où tout se sait. Gatsby est longtemps à la recherche d’Ashleigh, qui n’a pas le recule nécessaire face à une situation surréaliste. Au téléphone avec Gatsby, elle essaie de donner une explication à Gatsby sous peine de l’inquiéter. Finalement l’appréhension en est décuplée à l’écoute de la voix confuse d’Ashleigh. 

Une plaidoirie simulée sous les coutures

Un jour de pluie à New York garde une trace de la merveilleuse lumière de Wonder Wheel, en particulier la lumière orangée qui se promène et se libère dans la ville de New-York, comme une image de l’idéalisme propre à la ville.  Woody Allen fait entrechoquer les caractères.

Gatsby, romantique, arrive à New York avec une idée en tête, montrer cet idéal à sa copine Ashleigh, mais rien ne se passe comme prévu. Il fait face à une désillusion qui l’amène au lieu de tournage d’un ami en école de cinéma et rencontre Chan (Selena Gomez) avec qui il doit jouer un baiser factice. Il n’idéalise plus ce moment, mais voit le trucage derrière l’illusion, il n’est plus dupe. Ce sentiment s’approfondit avec la jolie fille qui le séduit au bar de son hôtel, qui se révèle être une escort… Et se termine avec le passé secret de sa mère.

Mais par la rencontre de Chan, qui se révèle également être une idéaliste, il parvient à retrouver cette magie. A l’inverse, Ashleigh semble être tout l’inverse de Gatsby, mais lors de l’interview tout devient fou, merveilleux : elle devient la muse du réalisateur, de l’acteur (Diego Luna), tout se passe à merveille, elle sait ce qu’elle veut, vivre cette instant hors du temps apparu comme un coup de la providence.

Elle apprend à apprécier cette illusion, mais tout s’écroule quand la réalité reprend le dessus, et que la femme de l’acteur débarque à l’appartement. C’est à son retour à l’hôtel, presque nue, comme si la ville l’avait flouée, qu’elle essaie de reprendre le dessus. Elle n’arrive pas à ses fins et Gatsby l’abandonne en calèche.

Woody Allen semble différencier un idéalisme vrai à l’éphémère. L’idéalisme appartient-il à quelques personnes ? Ou est-ce une critique particulièrement acérée envers un monde du cinéma cruel, qui fait rêver les jeunes actrices pour profiter d’elle à bien des égards ?

Woody Allen semble opposer Gatsby (lui-même) face à ces rouages violents du cinéma comme pour clamer son innocence face aux véritables coupables. Le film est conscient de l’actualité, et essaie à bien des égards de jouer de sa plume pour prouver l’innocence de son géniteur. 

Pancake

Jeune scénariste, étudiant à Paris-Sorbonne et éventuellement critique de film

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