Nous avions découvert Kim Seong-hoon avec Hard Day, sorti en 2014, une comédie policière virtuose, brutale et bourrée d’humour noir à la sauce coréenne. Appâtés par l’immense succès de Tunnel dans son pays avec plus de 7 millions de spectateurs en salle, nous n’avons pas raté l’occasion d’aller voir Tunnel en avant-première dans le cadre du festival Hallucinations Collectives à Lyon. Le propos du film tient en une idée forte : un homme se retrouve enseveli sous un tunnel alors qu’il rentrait chez lui en voiture. Va-t-il s’en sortir ? Va-t-il réussir à prévenir les secours ? Et surtout, Kim Seong-hoon va-t-il parvenir à nous tenir en haleine avec un scénario si limité ?
Résumé
Alors qu’il rentre retrouver sa famille, un homme est accidentellement enseveli sous un tunnel, au volant de sa voiture. Pendant qu’une opération de sauvetage d’envergure nationale se met en place pour l’en sortir, scrutée et commentée par les médias, les politiques et les citoyens, l’homme joue sa survie avec les maigres moyens à sa disposition. Combien de temps tiendra-t-il ?
Film concept avant d’être un film catastrophe classique, Tunnel marque d’emblée sa différence en désamorçant quasiment d’entrée toutes les ficelles habituelles du genre : Jeong-soo, le personnage principal, interprété par la nouvelle star du cinéma coréen Ha Jeong-woo (vu notamment dans The Chaser et The Murderer de Na Hong-jin et dernièrement dans Mademoiselle de Park Chan-wook dans lequel il joue un faux comte au charisme et à la verve très british), a des réactions finalement très banales. Si cet homme parvient à survivre, ce n’est pas en accomplissant des miracles à la MacGyver, mais c’est plutôt en économisant son énergie, en restant cloitré au maximum dans sa voiture, comme n’importe quelle personne douée d’un minimum de bon sens le ferait.
Ni héros, ni mélo
En cela, Tunnel ne plonge pas dans la facilité et à aucun moment le personnage principal ne nous est présenté en surhomme. Ni iconisé, ni transformé en héros, Jeong-soo se contente de suivre les consignes des équipes de secours (oui, je vous spoile un peu : il parviendra assez rapidement à communiquer avec l’extérieur…).
D’ailleurs, le film ne bascule jamais dans le sordide, même si le drame n’est jamais loin. Comme les cinéastes coréens ont désormais l’habitude de le faire, Tunnel passe du mélodrame le plus touchant à la farce la plus absurde avec un rythme effréné. Et c’est l’autre point fort du film après le jeu des acteurs. Cela faisait très longtemps que l’on ne s’était pas autant bidonnés au cinéma. Je n’avais jamais entendu la salle principale du Comoedia, généralement très feutrée, qui accueillait cette projection faisant office de séance de clôture du festival Hallucinations Collectives, si bruyante dans le bon sens du terme.
Mais, je dirais que le coup de maître de Tunnel est de parvenir à dépeindre le personnage principal, ainsi que sa femme jouée par l’incroyable Bae Doona (vue dans The Host de Bong Joon-ho, Air Doll de Koreeda et Jupiter Ascending) avec une finesse et une profondeur peu communes. Refusant de poser ses personnages avec un prologue qui aurait été nécessairement artificiel, Kim Seong-hoon dépeint ses deux héros du quotidien par touches successives bien senties et avec une économie de moyens peu communes.
A contrario, je mettrais un petit bémol aux scènes mélodramatiques qui semblent plus embarrasser Kim Seong-hoon qu’autre chose. Le réalisateur maîtrise avec un certain talent l’humour et les scènes d’action, mais contrairement à ses glorieux aînés Bon Joon-ho et Park Chan-wook, il n’est pas encore prêt à nous faire passer du rire aux larmes avec ce savoir-faire qui semble inné aux coréens.
Néanmoins, rarement un film catastrophe n’avait poussé aussi loin les curseurs de la critique sociale et politique. Sobre dans ses rebondissements, le film est un plaidoyer contre la médiocrité de nos sociétés gouvernées par des médias aveuglés par l’illusion du direct et par des politiques en dessous de tout.
Film politique autant que divertissement aux multiples facettes, Tunnel est une réussite sur toute la ligne et mérite son immense succès coréen. On attend le prochain Kim Seong-hoon avec impatience, pourquoi pas sur un terrain plus sombre puisqu’il nous a désormais montrer qu’il avait énormément de choses à dire.