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The Hobbit: An Unexpected Journey
Note de la rédaction :

The Hobbit : La Bataille des Cinq Armées est le troisième et dernier volet de l’adaptation du célèbre roman d’apprentissage de John Ronald Reuel Tolkien. Nous verrons que ce film conclut bien plus que la trilogie du hobbit et qu’une décennie (et quelques) de la vie de Peter Jackson.

L’histoire en bref

L’histoire est relativement bien connue : Bilbon Sacquet (ou Bilbo Baggins en version originale) mène une vie sans histoire à Cul-de-Sac jusqu’au jour où il rencontre le magicien Gandalf et une compagnie de treize nains menés par Thorin « Écu-de-chêne ». Ces derniers s’invitent pour le thé et lui explique leur histoire : ils sont en route pour la montagne Solitaire où ils espèrent récupérer leur trésor et, accessoirement, terrasser Smaug, un dragon super classe, qui s’est approprié la montagne et tout ce qui s’y trouve. Gandalf leur ayant expliqué que Bilbo était un cambrioleur de génie, ils se sont dit qu’il pourrait être utile. Je vous passe les détails mais Bilbo, malgré sa pleutrerie légendaire, finit par accepter et la fine équipe se lance dans l’aventure sans imaginer ce qui les attend.

Après moult péripéties, Bilbo et les nains arrivent à s’introduire dans la montagne. Le dragon Smaug finit par s’énerver fortement de l’outrecuidance de cette bande de nabots et décide de sortir de sa tanière pour mettre le feu a à peu près tout ce qui se trouve sur son passage. Il se focalise néanmoins sur la ville d’Esgaroth, habitée par des êtres humains (fin du deuxième épisode).

Le troisième épisode reprend à ce moment-là, même pas un petit résumé ou une pirouette du genre « pendant ce temps-là à Vera Cruz », rien : on se retrouve directement dans le feu de l’action (ah ah, rapport au dragon…) ce qui est le premier gros loupé narratif du film (ce n’est malheureusement pas le dernier). Ceux qui ont un peu roulé leur bosse dans le domaine des films d’aventure-action se rendent alors compte très rapidement que le dragon n’est pas du tout l’enjeu scénaristique du troisième volet. Et en effet, en 10 minutes son sort est plié et on passe à autre chose (et oui il reste plus de 2h de film). Le gros de l’histoire tourne désormais autour de la forteresse où sont reclus les nains et Bilbo.

Ces derniers cherchent l’Arkenstone, une pierre magique aux yeux des nains. Faute de la trouver, Thorin sombre peu à peu dans la folie et devient très suspicieux envers ses compagnons. En fait, il s’avère que Bilbo l’avait récupéré lors de son affrontement contre Smaug.

Je décris ce passage car il est l’un des plus intéressants du troisième volet. Pour la première fois de la trilogie, la complexité d’un personnage dépasse enfin les simples archétypes habituels.  En effet, selon moi, pour qu’un personnage prenne corps, il faut qu’on puisse s’identifier à lui, c’est un minimum, mais ce que Peter Jackson a du mal à comprendre c’est qu’il faut aussi lui donner des aspérités et du vécu. Christopher Nolan et Peter Jackson ont le même défaut : ils ne parviennent pas à donner corps à leurs personnages en dehors des lignes balisées de leurs scénarios trop bien ficelés. Dans la nomenclature « nolanienne » et « jacksonnienne », chaque péripétie et chaque événement arrivant à un personnage doivent forcément avoir une utilité dans le scénario. Or, d’une part il n’y a aucune loi qui n’interdisse de faire respirer son histoire en lui insufflant un peu de folie et, d’autre part, c’est bien souvent en intégrant des digressions dans son histoire qu’on parvient à créer des instants de vie. Ces derniers deviennent parfois des instants de vérité enrichissant le caractère des personnages et permettant au spectateur de s’identifier à eux.

Qualités :

Scènes de bataille / conclusion d’une belle histoire commencée en 2001

Défauts :

Découpage de la trilogie / Certains effets visuels / Ajouts scénaristiques

The Hobbit: An Unexpected Journey

Peter Jackson, l’épique cure rien

Je n’ai pas résisté et j’ai succombé au jeu de mot facile… Mais attention, je vais devoir m’en expliquer. Tout d’abord, il faut évoquer la carrière de ce bon Peter. Parler de Peter Jackson équivaut à parler de l’un des plus grands passionnés de cinéma de genre de notre temps. Peter Jackson se passionne pour le cinéma dès son plus jeune âge. À 8 ans, il commence à tourner avec la caméra Super 8 de ses parents. Il se passionne jeune pour Ray Harryhausen, le plus grand maître de l’animation en volume de tous les temps (regardez cette scène de Jason et les Argonautes qui a fasciné des générations d’enfants). Jackson découvre King Kong (le vrai hein pas le sien…) à l’âge de 9 ans. Il tourne un remake de la scène de l’Empire State Building à l’âge de 13 ans. Autant dire qu’il était précoce et qu’il avait bon goût par-dessus le marché !

Son premier film est un coup de maître. Bad Taste (le film en entier sur Youtube en 4/3 et en français) est sorti en 1987 et raconte l’histoire d’une bande d’extraterrestres qui a décidé d’envahir un petit village néozélandais pour « consommer » les hommes qui s’y trouvent. Mais, ils sont combattus par quelques ploucs armés jusqu’aux dents et prêts à en découdre. Ce film a été tourné en partie dans le village natal de Peter Jackson, Pukerua Bay, au nord de Wellington en Nouvelle-Zélande. Il a été tourné avec les moyens du bord et un budget riquiqui de 30 000 dollars NZ, ce qui est loin des 250 000 000 de dollars US de son dernier film…  Les acteurs du films sont Peter Jackson, lui-même, et quelques amis à lui. Tous ayant une activité professionnelle par-ailleurs, le film a été principalement tourné pendant leur temps libre, le week-end. Ainsi, le tournage s’est étalé sur quatre ans !

Le succès du film a surpris Jackson : diffusé à Cannes en parallèle du Festival, le film reçoit un accueil positif et est distribué dans le monde entier, ce qui lui assure dès son 1er film une reconnaissance critique inespérée et une image très positive auprès du public de cinéma gore et fantastique (genre très en vogue dans les années 1980).

Le film résume à lui-seul l’ensemble du cinéma de Peter Jackson malgré le fait qu’il soit fauché et tourné avec une seule caméra. C’est fort sur le plan de la mise en scène, c’est rapide, il y a des plans serrés, des mouvements de caméra, c’est gore (très gore même, voir ce « best-of » des scènes gores du film ou cet autre sélection de scènes gores attention c’est moche  – pour info c’est bien Peter Jackson qui mange à la cuillère dans la tête d’un pauvre type qui a perdu la moitié de son visage), c’est vulgaire, lourdingue (voir la scène de vomi) et tout cela donne une envie folle d’en faire de même et de se lancer dans le cinéma !

Fort de ce succès, Peter Jackson souhaite enfoncer le clou pour de bon et écrit Braindead, LE film ultime dans le domaine du gore-comique à grand spectacle. Malheureusement, le projet tombe momentanément à l’eau et Jackson se rabat sur un autre projet. Il tourne donc The Feebles en 1989, une parodie du Muppet Show à la fois trash, légèrement gore et plutôt malsaine.

En 1992, il enchaîne enfin sur son projet fétiche et tourne Braindead. Ici, pas vraiment besoin de résumer le scénario du film. Celui-ci est ouvertement une parodie de film gore d’où un second degré et un jeu outré des acteurs (ajouté à cela à un manque de talent évident) : voir la scène du dîner. Mais ce qui choque (encore aujourd’hui) c’est le gore absolu de ce film. Des têtes explosent, des viscères se répandent, des petits personnages sortent de têtes ouvertes en deux, du sang, des litres de sang se déversent sur le sol et les murs. En cela, la scène de massacre à la tondeuse à gazon est mythique. Ceci étant, Peter Jackson n’en n’oublie pas la comédie avec de nombreuses scènes tordantes comme celle où le héros promène le bébé monstrueux dans un landau (avis aux nouveaux parents !).

Arrêtons-nous un instant, car un constat s’impose : les meilleurs moments de Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armée sont regroupés dans la bataille finale. Ici, tout le savoir-faire du réalisateur se déploie. Un exemple : lorsque des trolls géants se défoncent la tête pour emboutir la forteresse. Etourdis un instant, ils finissent par se relever et s’introduisent dans la forteresse. L’image de ces colosses étourdis parterre est à la fois tordante et surprenante.

Et alors me direz-vous ? Et alors, dans ce film les moments de batailles sont phagocytés par de longs duels inutiles avec des personnages qui sont, de surcroît, des pièces rapportées : Legolas, Tauriel… Ces batailles sont en plus dénaturées par le numérique qui gâche vraiment toute la magie de ces scènes pourtant bien filmées. À l’époque de la trilogie de l’anneau, les effets numériques n’étaient pas omniprésents et il y avait encore des figurants pour donner corps au récit. Maintenant, les armées entières sont créées numériquement. Le sang a disparu depuis belle lurette et les idées de mise en scène se sont réduites comme peau de chagrin.

Et oui, le sang a disparu et Peter Jackson lui-même ni croît plus. Alors oui, il est toujours aussi bon dans l’épique, dans le grandiloquent, c’est pour cela que la bataille est réussi. Mais, tel un aveu d’échec, il entrecoupe ces scènes de duels longs, inutiles et inconsistants entre des personnages dont tout le monde se moque : Legolas (mais rappelez-moi que fait-il dans ce film ?), Tauriel (après Sawyer, elle s’amourache d’un nain, sérieux ?) et ce Bolg dont la modélisation numérique est pour le moins raté.

“Films 100 years ago were 16 frames per second, no sound, no color. So if you look 100 years ahead, I don’t know what films will be, but I can guarantee they won’t be 24 frames per second and 2D. The audience is falling away, and you have to compete with all the other forms of entertainment. So to get people into the cinema, we need to experiment to survive.”

Peter Jackson

Brain dead

Il est temps de se poser la réelle question : quand va-t-on laisser le numérique là où il doit rester c’est-à-dire en périphérie d’un film. Je m’explique : si on regarde à nouveau Avatar aujourd’hui, rien à dire, ce film est une pure merveille sur le plan esthétique même si les effets numériques ont vieilli. Pourquoi ? Car le film est bon, repose sur un scénario cohérent et déploie un univers esthétique honorable. En sommes, on se moque bien de savoir si Avatar est fait en tout numérique.

Au contraire, Peter Jackson a tout misé sur la technique : d’abord la 3D et ensuite la HFR (hight frame rate). Qu’est-ce qu’on nous a rebattu les oreilles avec ces fameuses 48 images/seconde. Et résultat : une image digne des séries TV telles que Docteur Who ! Est-ce véritablement une avancée ? Doit-on aller toujours plus loin dans la recherche de « réalisme » alors que l’on sait très bien en réalité qu’on s’en éloigne avec le tout numérique ?

Ensuite, à cause d’un vicieux effet boomerang, certaines scènes rapides souffrent de la trop grande précision de l’image ce qui fait que nos yeux ne peuvent pas suivre la cadence. Donc, au pire le film est difficile à suivre pour une partie du public, au mieux on arrive à distinguer toutes les scènes ! Et bien j’ai envie de dire bravo Mr Jackson pour cet exploit ! Arriver à faire un film dont on distingue toutes les scènes en 2014 ! Bref, la HFR n’est pas un argument qualitatif à mes yeux, il ne s’agit que d’un support technique. C’est juste un moyen technique pour réaliser quelque chose (ce quelque chose étant un film). Pour rappel, je ne suis pas à priori contre la technologie. Par exemple, Avatar 2 est tourné en 60 images/seconde et je suis impatient de voir le résultat car je sais que Cameron ne sortira rien qui ne soit pas au point et, en tout état de cause, il misera tout sur son histoire.

Et oui, l’histoire ! Au risque de paraître pour un gros ringard, je crois encore à la narration. Elle n’a pas besoin d’être sophistiquée, subtile ou sortie d’un atelier créatif. Non, j’aime les histoires qui se tiennent du début à la fin avec un fil conducteur. Ca y est le mot est lâché. Alors, oui je sais Peter Jackson n’est pas responsable de l’histoire du Hobbit. Mais, pourquoi, adorant l’histoire du Hobbit, je n’aime pas les films que mon néozélandais préféré a réalisés ? Car il a commis un découpage incompréhensible et totalement saugrenu. Les films auraient gagné à être en deux parties : pourquoi faire de Smaug, LE personnage essentiel, concentrant toutes les craintes de nos héros durant les deux premiers épisodes, qui est le seul réel ennemi d’envergure de la trilogie, pourquoi faire de lui un épiphénomène du troisième épisode ? En effet, il disparait au bout de 15min montre en main au début de ce dernier volet, or, il faut bien reconnaître que Benedict Cumberbatch avait fait monter la sauce avec brio dans le final haletant de l’épisode 2.

En lui même le Hobbit méritait-il trois films ? le Hobbit est un roman jeunesse de 200 pages… Rappelons également que dans le roman, Bilbo tombe dans les pommes pendant la bataille et c’est pour cela que celle-ci n’est pas ou peu décrite (et oui, dans le roman on voit tout à travers les yeux de Bilbo… tout est une question de regard…). Ce qui m’amène à évoquer un dernier point : le roman tourne autour de Bilbo, pas les 3 films. Qu’est devenue la quête personnelle de Bilbo, ce petit personnage sans envergure qui découvre tant de choses de manière inattendue ? Faut-il rappeler que l’aventure frappe littéralement à sa porte ? Pourquoi Jackson l’abandonne-t-il au détriment de Thorin ? Certains diront qu’il a voulu recréer le phénomène Aragorn avec Thorin. Je n’entrerai pas dans le débat mais il est vrai que faire d’un petit hobbit d’une cinquantaine d’années (et oui, il est sensé être vieux ce bon Martin Freeman, il en a 43 aujourd’hui) son héros, c’est difficile à Hollywood et en face on a quand même Richard Armitage.

En résumé, on se demande si P. Jackson n’est pas allé trop loin dans sa volonté (compréhensible au demeurant) de répondre aux attentes supposées du public comme lorsqu’à la fin il annonce Aragorn dans un clin d’oeil d’une subtilité très en phase avec l’auteur de Brain Dead…

Ce qui m’amène logiquement à enchaîner sur un élément que je ne voulais pas évoquer au départ : les personnages qui paraissent plus vieux dans le Hobbit que dans le Seigneur des anneaux… Vous allez dire que je m’acharne sur lui mais, en même temps Legolas n’avait rien à faire là (car oui il s’agit encore de lui…) et il perd le peu de crédibilité qu’il avait encore à mes yeux en incarnant un personnage plus mûr que celui qu’il incarnera 50 ans plus tard dans le Seigneur des Anneaux (je sais c’est un elfe mais quand même !). Pourquoi le rajouter dans cette trilogie, alors qu’il n’est pas indispensable à la narration, au risque de fragiliser la crédibilité de la cohérence globale de son oeuvre ? Tant de questions et si peu de logique, quel gâchis !

Pour conclure, il faut rappeler que Peter Jackson ne voulait pas réaliser ces films. Il a accepté à contre coeur. Initialement, il avait réussi à convaincre Guillermo Del Toro de tourner le film. Celui-ci se met à travailler pendant plusieurs mois sur le film. Il commence à défricher le scénario, à établir une direction artistique qui, d’après ce que l’on en sait, était un mélange entre son univers et celui d’un « Seigneur des Anneaux de l’Age d’Or ». Les problèmes financiers de la MGM ont retardé le projet de 18 mois ce qui a conduit Del Toro, also known as « le poissard » (avec l’échec de l’adaptation de Halo, de At the Mountains of Madness de Lovecraft et Pacific Rim (très bon certes) mais qui est sorti peu après le tsunami au Japon…), à abandonner. Jackson les a donc réalisé pour assurer la survie du projet.

Il ne fait aucun doute que Peter Jackson n’a pas fait cette trilogie pour l’argent, tout dans sa carrière prouve que cet homme est avant tout un passionné de cinéma. Il a même dû accorder le plus grand soin à réaliser cette trilogie. Mais, il est clair que ces films ne trouvent pas leur source dans une envie profonde telle qu’il en faut pour réaliser un projet de cette envergure.

Alors qu’auraient été les films réalisés par Guillermo Del Toro ? Dans un article publié dans Première, on peut lire que Peter Jackson reconnaît implicitement son impuissance face à la reprise du travail déjà commencé par Del Toro : « J’ai regardé son travail en reprenant le projet, et ses designs sont du pur Guillermo. C’était des trucs très marqués, bien dans la ligné du Labyrinthe de Pan et de Hellboy. C’était sa vision artistique, et je ne pouvais pas faire ce film précis. Le seul à pouvoir faire un film à la Guillermo Del Toro, c’est Guillermo ». Il enchaîne : « J’ai donc presque tout redesigné. Il reste quand même un peu de son ADN, il a fait des choses plutôt cool dont on a repris des éléments, mais on les a vraiment changées. Le film a vraiment été repensé ».

Autant dire qu’on aurait pu voir une très grande adaptation. Parfois, la vie réserve des surprises inattendues…

Copyright : Metro-Goldwyn-Mayer
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Note globale
Noodles

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