Amis du cinéma et de la mortadelle, voici le dernier film interprété et réalisé par le disgracié James Franco, qui donne le second rôle à son frérot, Dave Franco. Alors allons-y franco. Critique !
Le petit James Franco de Spiderman a grandi et, du haut de sa quarantaine grisonnante, est devenu un artiste prolifique et touche à tout (malheureux jeu de mots volontaire ?) à la fois peintre, écrivain acteur, réalisateur et si l’en en croit la rumeur, tripoteur, ce qui lui a valu de se faire sucrer sa nomination aux oscars pour sa performance dans le film dont auquel on va s’intéresser aujourd’hui, et je vous le dis tisuite, On va pas s’étendre sur l’affaire Weinstein et tout le mouvement Me Too, c’est ni le lieu ni le lieu et encore moins le lieu, même si d’un côté, ca fait du bien de voir tomber toutes ces têtes de veaux de machos violeurs dominateurs qui se servent de leurs millions pour bouffer des fions sans demander la permission et que d’un autre côté c’est en train de tellement s’emballer qu’on en arrive à une chasse au sorcière hypradicale et incontrôlable qui frôle l’extrémisme, et l’extrémisme, même avec une bonne sauce aïoli, c’est jamais trop bon pour personne.
The Disaster Artist, donc, est un biopic comique sur Tommy Wiseau, et sur la genèse puis le tournage de the Room, film réalisé en 2003.
Mais c’est quoi, The Room ?
The Room, c’est d’abord une affiche en noir et blanc d’un type avec une gueule à faire bouffer la soupe à vos enfants vite fait bien fait. Cette gueule épouvantable appartient au susnommé Tommy Wiseau, un type à l’accent improbable qui a tourné tout seul comme un grand son unique projet, un film si mauvais qu’il est considéré comme le plus grand nanar de tous les temps, genre classe mondiale, allant jusqu’à menacer voire détrôner la suprématie de Plan 9 from Outer Space du pourtant génialement médiocre Ed Wood, qui tenait cette place enviée depuis 1959.
On ne vous dira pas qu’il faut absolument voir cette immondice avant, parce que faut quand même se la taper, c’est certes un méga nanar si mauvais qu’il en est hilarant, mais il ne manquera pas à votre culture cinématographique si vous passez outre. Mal tourné, mal foutu, dialogues ridicules, le film accède au statut culte parce que, présent lors de la première projection, Michael Rousselet, surnommé « Patient Zéro » y voit tout le potentiel d’extravaganza orgasmique et invite ses potes aux autres projections dans lesquelles ils déboulent avec des ballons de football américain et des cuillères en plastique qu’ils se balancent dans la salle au moment des scènes les plus cons, en faisant un spectacle de type festif comme lors des projos de The Rocky Horror Picture Show.
Wiseau, qui avait écrit le film avec ses tripes, celles d’un type égocentrique et possédant le potentiel intellectuel et émotionnel d’un ado de 12 ans en échec scolaire, genre personne ne m’aime alors je vais me tuer et paf ils seront tous tristes que je suis mort ahahaha bien fait, se rend compte que les gens se marrent à se pisser dessus, en conçoit dans un premier temps de l’humeur, dans un second, en homme d’affaires avisé (rappelons qu’il a financé le film tout seul, qui aurait coûté selon les rumeurs plus de 4 millions de dollars), tout le potentiel économique qu’il peut en tirer. L’exploitation DVD et Bluray du film et les multiples midnight screenings lui ont permis d’amasser une petite fortune.
Ahhhh d’accord, mais alors du coup c’est lui The Disaster Artist ?
Hé oui ! Et le scénario est adapté du roman éponyme de Greg Sestero, l’acteur principal du film, qui, constatant que le désastre dans lequel il a tourné devient culte et fait des pépettes, décide d’écrire sur son expérience dedans, au lieu de le renier de sa bio, forcément, parce que comme acteur il touche pas une cacahuète.
Bref, à la différence d’un Edward Wood désespérément naïf et convaincu de son talent qui finira fauché comme les blés, on est là dans un processus de pompe à fric, tout le monde cherchant à tirer de la thune ou de la célébrité d’un objet cinématographique de type merdique, et c’est tout de même triste, autre temps autres mœurs, le romantisme des cœurs simples a disparu, et j’ai mal aux pieds et je ne vous parle pas de mon estomac ni de mon anus à cause de toute cette bouffe épicée que j’ai bouffé hier.
On suit donc dans un ordre chronologique de bon aloi la rencontre de l’acteur réalisateur et de son acteur principal, de leur départ pour Los Angeles, où Tommy a un appart qu’il partage généreusement avec Greg et de leur tentative de percer dans le monde fermé et élitiste du septième art, difficile quand on a aucun talent… mais pas impossible quand on a plein de fric ! Les studios ne veulent pas de nous ? Tant pis, on les emmerde et on finance le film nous-mêmes !
Dans la lignée de La Nuit Américaine, on assiste à un film dans le film bourré d’autoréférences, on est dans la mise en abyme constante, c’en devient presque une partie de ping-pong, comme cette passion des deux héros pour James Dean, qui est leur source de motivation, et que James Franco a interprété dans un téléfilm en 2001, téléfilm que Wiseau a vu et après lequel il aurait déclaré qu’il n’envisageait que deux personnes pour jouer son propre rôle, Johnny Depp ou James Franco.
Le film est rythmé, suffisamment drôle, c’est une biographie assez fidèle qui évite de tomber dans la mièvrerie sans toutefois jouer uniquement sur la carte de l’humour, donc pas en mode je me fous de la gueule du type point barre, mais en ajoutant une certaine dose de sympathie et de compassion pour ce type désespérément seul et assoiffé de reconnaissance. James Franco fait à ce titre un sacré boulot d’acteur faut le reconnaître, il est Tommy Wiseau.
La relation de ce dernier avec son acteur et ami, Greg (Dave Franco) est, à ce titre, bien développée, il y consacre toute une première partie, ce qui permet de mieux ressentir toutes les turbulences du tournage épique qui suit. Seth Rogen, Son fidèle acolyte, joue logiquement le rôle du scénariste qui devient aussi caméraman.
Mais z’a quoi bon tout cela mes petits zozieaux ?
Niveau degré de pertinence de l’objet en question, on ne dépasse jamais le stade du biopic chaleureux et un peu protecteur, genre le papa qui avec un sourire amusé laisse son fiston faire joujou avec ses petites crottes, et tout ceci fait preuve d’une certaine nonchalance, d’un manque de profondeur, on reste bien en surface mais le sujet de base étant lui-même creux, narcissisme exacerbé d’un grand môme qui n’a rien à dire, c’est finalement logique.
Bref, c’est un énième divertissement sympathique un peu vain, un peu gonflé de fatuité, et d’auto congratulation vas-y que je te tape sur l’épaule bien joué mon gars qu’est ce qu’on est bons tout de même, et même si c’est sans doute un des films les plus aboutis du gars Franco, ca reste à un niveau vachement basique. D’accord on pourra y voir une réflexion sur l’art, sur la volonté d’un mec pas du tout taillé pour être artiste mais qui réussit malgré tout et malgré lui, mais… voilà, quoi.
On mentionnera encore un petit exercice de style amusant et primesautier, à savoir le double écran avec la scène originale et la reprise fidèle à100%, c’est bien fait, c’est drôle, ca soulève toujours la même question : Ouais, okay, et donc ?
Ben donc, on que voulez-vous, on s’en cogne pas mal finalement, à voir seulement pour les pitreries de Franco et sans s’attendre à rien de plus qu’une bonne comédie de potes un peu moins trashy que The End of The World ou Sausage Party .