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The Bookshop d’Isabel Coixet – Critique

By 7 octobre 2018octobre 10th, 2018Critiques
the bookshop
Note de la rédaction :

« The Bookshop » est un film où tout est joli. D’un indéniable bon goût. Des jolies images dans des jolies maisons entrecoupées de plans carte-postale sur la nature, impeccable. Il est le dernier arrivé d’une mode dans le cinéma britannique (cette année « Les heures sombres » ou « Sur la plage de Chesil ») qui consiste à faire des films essentiellement basés sur le choix des costumes, des rideaux, des intérieurs délicats, des robes pastels. Visconti en son temps prenait un soin extrême dans ces détails (revoyez « Le guépard », « Mort à Venise » ou « Les damnés ») mais ce goût s’accompagnait d’une mise en scène baroque, de mouvements de caméras grandioses et d’une vision de l’ensemble très personnelle. Ici, mettre de jolies personnes dans de jolies maisons s’apparente davantage au jeu de poupées qu’à du cinéma.


Il faut dire qu’il y a un public pour ce genre de films. Un peu éduqué (on va le voir en V.O.), qui ne veut pas se prendre sa tête pour autant, voir des belles choses, qui aime la reconstitution d’époque (ici les années 1950). Donc un public cible. Visconti ne faisait pas un film avec un public cible en tête mais les temps ont changé et aujourd’hui le petit artisan qui n’a pas les moyens de faire de grands films (« The Bookshop » connaîtra probablement son heure de gloire un dimanche soir à la télé) coche tous les critères pour plaire, essaye de raconter son histoire proprement, sans heurts si possible, sans imagination dans tous les cas. Il ne s’agirait pas de froisser le spectateur qui sait ce qu’il est venu voir.

Donc la pauvre Florence Green à qui l’on colle une dizaine de fois dans le film l’adjectif de courage, courageuse, ouvre une librairie dans un village, parce qu’elle aime lire (passons sur le cliché). Mais les intrigues et la fourberie des gens de Hardborough (le nom n’a pas été choisi au hasard j’imagine) vont contrarier ses plans pourtant inoffensifs. C’est la petite communauté de l’esprit face à la bêtise crasse de la majorité. Mais la majorité des spectateurs se reconnaîtra dans la lectrice isolée et bienveillante : c’est la magie du cinéma. Florence Green est veuve, ce qui la rend sympathique. Elle a rencontré son mari autrefois dans une librairie. Émotion. Elle a plus ou moins une histoire d’amour platonique avec le seul homme du village qui lit. On voit tout venir à des kilomètres. Dans le genre, émotions contenues, dignité, jeu minimaliste très souligné pas du tout minimaliste.

« The Bookshop » est sauvé de sa nullité intégrale par un casting compétent, à commencer par Emily Mortimer que vous aviez vu il y a une éternité dans « Notting Hill ». James Lance sort aussi son épingle du jeu dans son second rôle de dandy odieux. Le chef opérateur Jean-Claude Larrieu fait son travail. Il avait éclairé récemment « Julieta » d’Almodovar et n’est pas vraiment à blâmer ici. D’ailleurs on ne doute jamais que tout le monde fasse de son mieux, mais les grosses ficelles et l’académisme font barrage à toute émotion. Le finale, pourtant, nous réveillerait presque de notre torpeur… Fausse alerte. La voix off revient faire des siennes pour nous prendre la main et nous accompagner dans un épilogue pénible.

Avoir zéro ambition et juste de bonnes intentions sous le bras ne suffit plus, désormais, pour faire de beaux films. En revanche je n’accuserais pas Isabel Coixet de roublardise : son film semble parfaitement naïf. C’est déjà ça.

Date de sortie : 19 décembre 2018
Durée : 1h 53min
De : Isabel Coixet
Avec : Emily Mortimer, Bill Nighy, Patricia Clarkson

Étienne

Né en 1982, journaliste de formation. Je vis à l'étranger depuis 2008. J'ai travaillé pour 5 magazines et 2 émissions de télévision. Je cherche obstinément un cinéma à la marge, qui aurait un langage propre. Le cinéma expérimental et l'art contemporain m'attirent particulièrement.

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