Le 5 février dernier, Dario Argento était présent à la cinémathèque française pour la quatrième édition du festival “Toute la mémoire du monde”, l’occasion pour moi de me pencher sur l’oeuvre de ce cinéaste, en commençant par Suspiria.
Suzy, une jeune ballerine américaine, arrive dans la prestigieuse académie de danse de Fribourg afin d’y parfaire sa technique. Mais rapidement, elle soupçonne l’école d’être dirigée par Helena Markos, une sorcière plus connue sous le nom de Mater Suspiriorum, la mère des Soupirs.
Cette histoire peut paraître assez classique dans le genre de l’horreur fantastique, et en effet ça l’est, mais il faut garder à l’esprit que le film a été produit avant que les slashers ne se démocratisent de plus en plus avec l’arrivée d’Halloween de Carpenter en 1978.
De plus, le scénario n’est pas si léger, puisqu’il respecte les codes du fantastique et joue sans cesse la carte du mystère en laissant le spectateur développer son imagination autour des événements, qui seront expliqués bien plus tardivement (ou pas d’ailleurs), laissant ainsi le spectateur mal à l’aise et dans un questionnement constant. La caractérisation des personnages est elle aussi très réussie puisque, même s’ils sont quelque peu archétypaux, on s’y attache très facilement. En effet, au delà du personnage principal de Suzy, que l’on suit la majeur partie du temps, d’autres seconds rôles féminins (il n’y a que très peu d’hommes dans le film) ont droit à des séquences très intéressantes dans lesquelles il n’est question que d’elles.
Cependant, la force de Suspiria réside surtout dans sa mise en scène. En effet, Dario Argento instaure une ambiance particulière et créé un univers assez éloigné du réel. Les angles de caméra, à la fois inquiétants et magnifiquement composés, jouent sur les proportions pour mettre le spectateur mal à l’aise et rendent le bâtiment terrifiant, voir presque vivant. La photo de Luciano Tovoli, au delà de son esthétisme méticuleux, amplifie ce côté “rêve” du film, en ne faisant ressortir la plupart du temps que deux ou trois couleur sur chaque plan. La photo joue aussi avec les ombres, que ce soit pour cacher certaines parties du décor et des personnages en arrière plan; ou pour jouer le jeu du théâtre d’ombre (pendant la scène du dortoir, nottament).
Et comme si nos nerfs n’étaient pas assez à cran, il y a un véritable travail sur l’atmosphère sonore puisque plusieurs fois dans le film, un soupir et d’autres bruits que l’on peine à identifier viennent terroriser les protagonistes et le spectateur par la même occasion. Si l’on ajoute à cela les musiques glaçantes du groupe Italien Goblin, on obtient une ambiance sonore immersive et efficace qui hérissera les poils de tous les sceptiques qui ne seront pas angoissés par le visuel du film.
En bref, Suspiria est un monument de l’horreur fantastique qui a la prétention d’inspirer encore aujourd’hui, un bon nombre d’oeuvres (Mulholland Drive, Crimson Peak…) et qui renvoit dans les jupons de leurs mères toutes les pseudo productions horrifiques insipides que l’on nous sert ces derniers temps.