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Note de la rédaction :

Attention, la spoiler est puissant avec cet article. Si vous n’avez pas vu Rogue One, fuyez ! 

Cela commence à devenir une habitude, Décembre ne rime plus forcément avec Maman, j’ai raté l’avion lorsqu’il est question de film de Noël. Depuis maintenant 2 ans, Lucasfilm s’empresse de nous sortir un épisode de la saga Star Wars. Et cette année marque un changement de cap pour la saga. Une décision initiée par Disney, en possession des droits depuis 2013.

Tel le beaujolais, ce Star Wars nouveau a un goût différent de ses prédécesseurs. Il n’est pas un épisode de la « Skywalker Saga » mais le point de départ vers une nouvelle série de films. Cette gamme, estampillée in extremis A Star Wars Story – en effet le premier nom fut Star Wars Anthology en témoigne la photo ci-dessous – explorera plus en détails certains éléments de la mythologie Star Wars. Ces spin-offs ont pour but de bâtir sur grand écran un nouvel univers étendu, en piochant allègrement sur le cadavre encore chaud de l’ancien extented universe (que l’on nomme dorénavant l’univers Legends).

Les spéculations ont été intenses quant au sujet de ce premier spin off. Han Solo, Obi-Wan, Boba Fett semblaient être des choix logiques et confortables. Garder un pied dans la saga tout en offrant une aventure inédite de ces personnages cultes. Fédérer le grand public et les fans plus hardcore pour s’assurer un succès au box-office. Hors, c’est durant la Star Wars Celebration 2015 qu’on apprend que le film s’intéressera aux espions rebelles ayant réussi à dérober les plans secrets de l’Etoile de la Mort. Et c’est Gareth Edwards, réalisateur surestimé de Monsters & Godzilla, qui doit passer l’épreuve du feu.

 Tu étais l’élu…

Le film annonçait une rupture totale avec la saga. Nous laissant fantasmer le meilleur pour Rogue One. La note d’intention insistait fortement sur une imagerie inspirée des films de guerre. Le chef opérateur de Zero Dark Thirty, Greig Fraser, une équipe technique ayant travaillé sur Band of Brothers et Il faut sauver le Soldat Ryan sont annoncés pour plancher sur le projet. Cette direction artistique , inspirée en grande partie du conflit au Vietnam, s’inspirerait également des designs provenant des jeux vidéos Star Wars, précisément le série des Battlefront. Avec ses troopers et ses rebelles armés jusqu’aux dents et un furieux mélange de batailles au sol et dans l’espace. Scénaristiquement, le film nous offrirait aussi un œil neuf sur la formation de la rébellion, un sujet vaste et seulement entraperçu au cinéma. Les annonces se succédant, le film nous promettait une plongée en plein dans la lutte entre l’Empire et l’Alliance Rebelle.

La première image sort, dévoilant le commando hétéroclite mené par Jyn Erso. Puis les images en mouvement font leur apparition : de la jungle, des AT-AT (ancienne génération renommés AT-ACT pour l’occasion), une réminiscence des death troopers, l’Etoile de la Mort plus vraie que nature (s’offrant au passage un lifting au regard de celle aperçue dans l’épisode III), une réalisation dans les codes du genre.

Bref, le film affirme une véritable ambition artistique. Le spectacle paraissait au-delà de nos attentes. Lucasfilm semble emprunter la direction des fan films avec ses spin-offs. Certes, des fan-films de luxe mais à l’audace inégalable. D’autant plus après un Réveil de la Force fondamentalement basé sur l’hommage et la nostalgie. Rogue One nous laisse entendre qu’aucun héros culte de la saga n’apparaîtra, laissant enfin aux soldats et aux généraux des deux factions le temps d’apparition qu’ils méritent. Les déclarations concernant la présence du Seigneur Vador indiquent qu’il ne sera qu’une ombre planant sur l’intégralité du métrage plus qu’un véritable caméo.

La proposition est immense. L’intrigue allait jongler entre des missions en compagnie du commando, prenant toujours plus d’importance, et de la diplomatie à la fois du côté des rebelles mais aussi de l’Empire.

Cependant, lors des mois précédents la sortie le doute s’installe. Des rumeurs parlent d’un reshoot important du film. On murmure le départ de Gareth Edwards du projet, laissant les commandes à Tony Gilroy (scénariste de la saga Jason Bourne et aussi de Rogue One). Lucasfilm garde son sang froid grâce à des déclarations se voulant rassurante de Kathleen Kennedy, la Présidente de Lucasfilm. Malgré tout, certains faits donnent du crédit aux rumeurs. Alexandre Desplat quitte la production, laissant seulement 4 semaines à Michael Giacchino pour faire la bande originale. 3 monteurs sont crédités au générique dont John Gilroy, frère de Tony, apparaissant dans les crédits du fiasco Suicide Squad.

Ce n’est pas parce que tu parles que tu es intelligent

Finalement, le 14 Décembre, Rogue One sort sur les écrans hexagonaux. Les avis sont mitigés du côté de la critique comme du public. Reprochant au film une écriture assez froide de ses personnages. On ne nous laisse effectivement que de vagues éléments d’exposition pour apprécier les protagonistes et antagonistes. Saw Gerrera, le personnage interprété avec brio par Forrest Whitaker, dévoile une nouvelle branche de la rébellion. L’idéologie de Gerrera est « extrémiste », il est prêt à tout pour endiguer la progression de l’Empire dans la galaxie. D’ailleurs, c’est un attentat qui est perpétré à Jedah City, ville désertique au décor inspiré du Moyen-Orient. Malheureusement, ces « terroristes » ne sont abordés qu’en surface, empêchant au film de s’étendre sur son propos, trouvant évidemment des résonances avec l’actualité de notre vrai monde à nous…

Deux autres personnages manquent d’exploration durant le film. Tout d’abord Galen Erso, génie recruté par l’Empereur pour construire l’Étoile de la Mort. Il manque des dialogues présentant les motivations de Galen à rejoindre la faction des TIE fighters. On aurait ainsi pu mieux comprendre que lui aussi, tentait d’agir pour l’alliance rebelle.

L’autre personnage souffrant d’un déficit d’écriture est l’antagoniste, Orson Krennic. Celui qui nous rappelait le légendaire Amiral Thrawn marquait les trailers par son ton froid et sa prestance à faire pâlir les gardes impériaux. Malheureusement, sa soif de pouvoir et sa volonté d’atteindre les plus hauts échelons ne sont pas montrés dans le film. Idem pour sa relation avec Galen Erso. Cette dernière est esquissée, au détour du dialogue d’ouverture et d’un maigre flashback. Tout cela ne nous ne permet pas d’apprécier à sa juste valeur l’interprétation sans faille de Ben Mendelsohn.

Les membres du commando souffrent aussi du même défaut de caractérisation. Chacun a le strict minimum pour être présenté. De plus, ces éléments d’exposition puisent dans des clichés de l’imaginaire de science-fiction. De Battlefront, les scénaristes n’en ont gardé que le basique, c’est-à-dire les différentes classes de personnages : des archétypes aux interactions limitées, minimisant l’impact émotionnel lors de leurs morts successives.

Ce ne sont pas ces droïdes là que vous recherchez

Cependant, pour nous faire oublier des séquences de dialogues balourdes, Lucasfilm opère un tour de passe-passe digne du vieux Ben Kenobi. En effet, le film enterre son rythme à mesure que le commando visite différentes planètes. C’est tout d’abord avec Saw Gerrara et sa cantina-like que l’on commence à sentir les monteurs rafistoler les champs-contrechamps comme ils peuvent. Les problèmes de raccord lumière et de temporalité commencent à apparaître. Mais le fond de cette lente plongée se situe sur  la planète Eadu. En effet, des problèmes de spatialisation perturbent notre visionnage de la scène. Les personnages se téléportent d’un endroit à l’autre du décor. Nous nous interrogeons plus sur le placement des acteurs que sur l’histoire qui se déroule. Ces défauts de montage empêchent également le film d’embrayer facilement vers son 3ème acte.

Mais pour regagner en rythme et en intensité, Lucasfilm et ILM ont mit les bouchés doubles. On nous sert la meilleur bataille spatiale de la saga. Rien que ça. Les plans sont fous, ingénieux, virevoltants et le tout forme un rollercoaster délirant. Cette séquence tire son génie de la gestion d’échelle, point fort de Gareth Edwards. On comprend systématiquement quel vaisseau est plus grand que l’autre. S’il faut reconnaître le génie des techniciens d’ILM pour cette prodigieuse bataille, elle n’aurait été que plus grandiose si les deux premiers actes avaient su nous embarquer émotionnellement dans la bataille. Ce combat spatial semble être un cache misère 5 étoiles. Une friandise donnée par un dentiste maladroit qui nous a torturé beaucoup trop longtemps.

Malheureusement,  cette bataille est aussi ralentie pour coller à la laborieuse progression des héros au sol, sur Scariff. Le montage se transforme en un bien étrange collage entre différentes scènes qui ne devaient pas être mises ensembles. Conséquence directe, l’immersion dans les combats ne fonctionne pas. Et ce n’est pas les navrantes interactions entre les soldats qui vont réussir à rattraper l’intérêt pour ces pénibles séquences. Une déception encore plus grande lorsque l’on compare le film à ses trailers. Évidemment ces bandes-annonces sont avant tout à but marketing et ne reflètent pas le long-métrage. Mais nous sommes en droit d’être déçus face à ce que les films annonces promettaient. 46 PLANS (!!) présents dans le matériel promotionnel ne figurent pas dans le film. Ces plans (qu’on retrouve compilés dans cette vidéo https://vimeo.com/196155136 ) sont bien évidemment iconiques.

Alors pourquoi ont-ils disparu du montage finale ? Pire encore, comment des produits dérivés d’un personnage qui n’apparaît pas dans le film peuvent exister et être vendu ? C2-B5 est annoncé début septembre dans l’émission Star Wars Show, photos officielles à l’appui. Hors, ce droïde astromech de l’empire n’apparaît pas dans le film. Cette annonce prouve que le film n’a cessé d’être remonté ajoutant et coupant des personnages d’une version à une autre. Effaçant au passage l’identité du long-métrage, que la première phase de promo (depuis l’annonce en 2015) n’a cessé d’affirmer.

Il trouve que tu as une sale gueule !

Ce repli stratégique de la part de Disney prouve la frilosité du studio à se détacher des grandes figures de la saga. Car ce qui permet aussi à Rogue One de ne pas tomber dans l’ennui, c’est ses caméos. Certains sont subtiles, comme le lait bleu ou l’holo-échec. Mais l’arrivée en grandes pompes du Seigneur Vador dans son château n’est là que pour du fan service gratuit. Malicieux emploi du caméo d’ailleurs puisqu’il sert à nous faire oublier les 25 minutes pénibles que nous venons de voir.

Idem pour la séquence finale. Aussi brillante soit-elle, Vador devenant un boogeyman à la Jason Voorhees, cette scène est une petite sucrerie. Un petit cadeau pour les fans qui vont oublier des séquences paresseuses et artificielles. Des petites cartouches parsemées judicieusement tout au long du récit. N’abordons même pas celui de R2-D2 et C3PO tant il est forcé et inutile. En revanche, l’apparition d’un acteur  décédé crée la surprise.

Ainsi, Peter Cushing, interprète du Grand Moff Tarkin dans Un Nouvel Espoir reprend son rôle pour Rogue One. Hors, Peter Cushing est décédé depuis 1994. Grâce aux techniciens d’ILM, certainement adeptes de la magie noire, il peut revivre sous nos yeux. Le personnage n’est malheureusement pas une nécessité pour l’intrigue. Un autre gradé impérial aurait très bien pu servir de concurrent à Krennic. De plus, cette apparition peut être la porte ouverte à toutes sortes de réanimations morbidse pour l’ensemble de l’industrie.

Même si la technologie n’est pas totalement au point, on gambade souvent dans la uncanny valley lors des mouvements de caméra notamment, un œil non averti peut être berné par l’effet. Le coup de massue survient  lorsque apparaît une Carrie Fisher encore plus jeune que celle présente dans l‘episode IV. Un ultime caméo, paresseux et moche, qui achève un film qui avait déjà bien du mal à tenir debout.

Sauve la rébellion, sauve notre rêve

Rogue One est une immense déception. Immense à la hauteur des attentes qu’il avait suscitées. Il est néanmoins un divertissement efficace, comportant un gigantesque moment de bravoure. Mais il manque quelque chose. Les Star Wars Stories pouvaient offrir des alternatives à la saga. L’univers se prêtant à tous les genres possibles (horreur, western, braquage…). Malheureusement, Disney a choisi de faire machine arrière sur les intentions de Gareth Edwards. En voulant minimiser les risques, le studio applique la formule Marvel Studios à l’univers Star Wars. Et le choix de se focaliser sur des personnages majeurs, le prochain spin-off est consacré à Han Solo, semble aller dans ce sens. Ces épisodes solos seront à l’image des Iron Man, Thor et autre Captain America. Une aventure annexe, incapable d’atteindre la grandeur des leurs aînés. Peut-être que le niveau d’exigence était à revoir à la baisse avec Rogue One.

Le film n’est pas un film Star Wars, c’est un long-métrage qui souffre des mêmes défauts que n’importe quel autre blockbuster actuel. Et ce constat donne malheureusement raison aux sceptiques (un euphémisme pour ne pas les appeler rageux) du rachat de l’œuvre de George Lucas par l’empire Disney.

12
NOTE GLOBALE
Keyser Swayze

Biberonné à la Pop Culture. Je tente d'avoir une alimentation culturel saine et variée, généralement composée de films qui ne prennent pas leurs spectateurs pour des cons. Carpenter, Wright et Fincher sont mes maîtres.

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