Après avoir été propulsé par Guillermo Del Toro qui a produit son premier film L’orphelinat, Juan Antonio Bayona s’est ensuite attaqué au blockbuster catastrophe avec the impossible. Aujourd’hui, avant de passer derrière la caméra de Jurassic world 2, Bayona nous sert un nouveau film, à la croisée du fantastique et du drame.
Adapté du roman éponyme de Patrick Ness, le film regorge toutefois de thématiques chères à Bayona (l’amour maternel, la famille, l’imaginaire…), qui sont surtout traitées via le prisme du fantastique. Il y a plusieurs façons de traiter le fantastique, mais ici, le choix du réalisateur a été de maintenir constamment l’ambiguïté, ce qui est cohérent quand on voit la place de l’imaginaire dans le film. En effet, le rapport à l’imaginaire est très important puisqu’il accompagne le parcours intérieur du héros : d’abord refuge de son mal-être, puis arme et enfin échappatoire. Cette place primordiale accordée aux arts graphiques et aux arts du récit se retrouve aussi dans la construction du film. Sans trop en dire, le monstre raconte trois histoires au héros, dont deux sont de magnifiques séquences animées, qui, rassemblées et associées à la scène finale, servent de parcours initiatique au héros.
Si le rapprochement avec la Labyrinthe de Pan semble évident dès la première apparition du monstre, il est vite remis en question : la structure narrative de ces deux films, ainsi que leurs personnages sont directement empruntés aux contes de fées. Cependant, les personnages écrits par Patrick Ness et Bayona ont pour différence avec leurs cousins féériques qu’ils ne sont pas dénués de nuance. Par exemple, si le personnage de la grand-mère est présenté à travers les yeux du héros comme une “sorcière”, on comprend rapidement, grâce à une Sigourney Weaver brillamment subtile, qu’elle est bien plus complexe que ça. Un autre aspect de conte est développé grâce aux décors et accessoires : le film semble hors du temps, même si quelques indicateurs temporels nous prouvent qu’il se déroule de nos jours, on a plutôt l’impression d’être dans une bulle, ce qui va de paire avec le caractère intemporel de l’histoire.
Si la mise en scène de l’orphelinat était déjà splendide, Bayona et son chef op Oscar Faura nous servent ici une claque monumentale. Le jeu sur les points de vue dans le découpage sert l’ambiguïté du fantastique, lui conférant une dimension plus métaphorique : le fantastique n’est pas moins que le prolongement de la psychologie des personnages. Psychologie qui tient également du jeu superbe et tout en nuances du casting principal : je parlais déjà de l’excellente prestation de Sigourney Weaver, mais il faut aussi souligner celle de Felicity Jones, très touchante ainsi que la prestance de Liam Neeson, parfait dans le rôle du monstre en performance capture. Cependant, l’acteur ayant la palette la plus vaste du film est Lewis Macdougall, dont le seul regard suffit à faire passer un tas d’émotions.
Vous l’avez compris, il serait criminel de passer à côté de ce bijou de cinéma fantastique qui confirme que Bayona est bien l’un des plus grands de sa génération.