Films de fiction et métrages commerciaux s’aiment et se détestent. Finalement ils se ressemblent. Analyse.
Du film au placement de produits, n’y a-t-il qu’un pas ?
On le sait, ce n’est pas nouveau, les grandes marques via le placement de produits, financent les films grand public et posent leurs griffes sur les superproductions. Il suffit, par exemple, de voir les derniers James Bond, Coca ici, Mac là, BMW merci bien, pour s’en convaincre.
Alors quoi ? Les films ressembleraient de plus en plus à de longs spots publicitaires ? Il y a de ça.
De plus en plus, un film s’obstine, de manière générale, à vendre : des produits, des acteurs-marques, des corps, des noms, des idées uniformisées, des images vides de sens. On parle, eh oui, d’industrie du film.
Là où ca devient intéressant, c’est quand de grands noms du septième art se lancent dans la réalisation de films commerciaux (souvent pour des parfums d’ailleurs) : Lynch, Scorsese, Wong Kar-wai, Wes Anderson plus récemment.
Daney, pressentait déjà le paradoxe dans les années 1980, une publicité de plus en plus sophistiquée, travaillée, exigeante et abstraite (on ne sait même plus quel est le produit… ce que l’on vend…) et un cinéma moribond, marchand au possible, plein de ces images creuses, de clichés qui sont des raccourcis, bref un cinéma qui cherche à parer au plus pressé pour dire en deux secondes (Ô lois de l’efficaciée !) ce qu’il disait autrefois en deux minutes.

Storytelling et inversement des valeurs
Y a-t-il une explication à cet absurde paradoxe ? D’ou vient cette aberration ?
Christian Salmon, auteur de plusieurs essais et de chroniques au Monde a peut-être mis le doigt sur quelque chose avec sa théorisation du Storytelling. Notre monde est obsédé par les histoires, amoureux des beaux-récits. Aux USA, on ne vend plus rien sans belle story – regardez les médias.
Ainsi, la publicité s’est recentrée autour de cette question centrale – comment raconter l’histoire d’abord, le produit suivra de lui-même.
Dans le même temps, le film moderne, ivre de vitesse, de montage clipesque, singe ce qu’a pu être la publicité d’un temps et en perd son latin autrement dit son Storytelling : ce qu’il gagne en célérité pure (Michael Bay, Darren Aronofsky etc.), il le perd en clarté.
Le film d’aujourd’hui n’articule plus son histoire. Il ne prend plus le temps de se faire comprendre. Il se désintéresse du sens. Il aime trop ses effets (musique, photo, montage, fond vert) pour se soucier de grammaire.
Un jour le cinema sera une longue page de publicité. La pub sera la salle d’art et d’essai des amateurs. Ce jour-la, c’est aujourd’hui.
