Jeanne et Victor, un couple de jeunes citadins aisés et leur jeune fille, qui est incapable de lever le nez de son iPad, s’invitent le temps d’un weekend dans une ZAD tenue de main absolument pas de maître par l’ancien prof de yoga de Jeanne. Super potentiel pour faire une énième comédie franchouillarde et contente d’elle-même me direz-vous ? Oui, mais pas tout à fait car c’est Eric Judor à la réalisation et Blanche Gardin au scénario. Par contre, le petit problème c’est qu’on n’a pas beaucoup ri, c’est quand même dommage pour une comédie…
Le scénario repose sur une idée assez simple : mettre une famille banale, quoi que CSP+, dans un univers a priori hostile (une ZAD) remplie de tout un tas de personnages improbables qui s’avèrent autant de clichés sur patte : l’illuminée dégainant ses phrases assassines sur la société de consommation en voyant « Babylone » partout, l’homme de bonne volonté prônant un mode de vie alternatif mais qui se révèle un brin lâche, la féministe ayant un « enfant » qui choisira lui-même son sexe le moment venu, le jeune punk à chien, le fumeur de joints mi-chaman mi-clodo et toute une tripotée de paumés et de déracinés qui semblent s’être retrouvés là par hasard (ou parce que personne d’autre ne voulait bien d’eux).
Cette équipe de gentils bras cassés, en lutte contre un projet de parc aquatique, accueille nos citadins arrivés en 4×4 de location avec leurs valises à roulette, ce qui donne lieu à quelques moments d’incompréhension plutôt savoureux. Si Jeanne (Célia Rosich) est rapidement séduite par ce mode de vie alternatif, Victor (génial Eric Judor) semble plus circonspect.
Ce qui ne devait durer que le temps d’un week-end et ne donner lieu qu’à une pochade reposant sur un choc des cultures (LA spécialité de la comédie française des années 2000) se transforme heureusement en une expérience de survie post-apocalyptique. Ainsi, on comprend assez vite que ce qui se joue dans cette comédie de moeurs est bien plus profond qu’une simple peinture ironique (et un brin facile) du milieu des « zadistes ».
Si une pandémie semble avoir décimé la terre entière (à quel point ?), il se dessine des enjeux dépassant la seule critique sociale : cette ZAD improbable devient par la force des choses plus qu’une tentative de société alternative. Seuls survivants de ce vieux monde dont ils refusaient les codes, cette joyeuse communauté faite de personnalités finalement très diverses va devoir s’organiser. Vont-ils avoir la capacité, le courage (et l’envie) de dépasser leurs idéaux respectifs pour recréer un nouveau monde – cette société idéale telle qu’ils la rêvaient ?
Bien sûr, autour de ce scénario ambitieux et un brin fumeux, nous avons le droit à une ribambelle de sketchs plus ou moins réussis : les habituelles féministes acariâtres, l’organisation des « assemblées » sans vrai chef mais avec de vrais boulets, la jeune fille forcément débile et fan de télé réalité…
Par contre, quand il délaisse ces portraits vus et revus, le film regorge d’idées passionnantes et parfois barrées comme celle d’avoir introduit un Géo Trouvetou qui va recréer, à force d’inventivité, une mini élite matérielle. De part son énergie et sa capacité à « réinventer » l’ancien monde pour son confort personnel, ce dernier va être le catalyseur d’une révolte. Il sera à la fois le miroir de l’incapacité patente de cette bande de pieds nickelés à trouver des solutions pour s’organiser et le vers dans le fruit de cette société qui se veut idéale et débarrassée de tout le superflu du vieux monde qu’ils croyaient disparu.
Si on regrette que ce deuxième aspect du scénario ne soit pas assez présent, il faut reconnaître que le film évite les écueils habituels de la comédie française plus prompte à se moquer qu’à essayer de faire rire en proposant du cinéma. En cela, les scènes avec Patrice (alias Doudou) sont absolument tordantes de naturel tout en revisitant le sketch habituel du type lunaire et à côté de la plaque : ici l’allongement du temps, notamment lors du sketch sur les supermarchés (qui va devenir un classique), est un petit bijou de mise en scène.
Encore une fois Eric Judor n’hésite pas à tenter des choses quitte parfois à échouer, mais Problemos demeure une comédie très intéressante et nettement au-dessus de la mêlée.