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Note de la rédaction :

Le réalisateur canadien Denis Villeneuve s’attaque cette fois-ci à la science-fiction. Genre qui a du mal à être pris au sérieux ces derniers temps. Est-ce que l’auteur de Incendies a réussi à faire de son film une oeuvre de serious SF à la hauteur des attentes qu’elle représente ?

12 vaisseaux apparaissent à la surface de la Terre. Immobiles, titanesques et de formes oblongues, elles mettent la communauté internationale sens dessus dessous. Invasion, déclaration de guerre, personne n’est capable de comprendre ce qu’ils viennent faire sur notre planète. Ces immenses formes noires forment des trous béants dans les paysages terrestres. Une porte vers l’inconnu, ressemblant à la zone interdite de Stalker de Tarkoski, où chacun peut y trouver sa réponse. Villeneuve utilise parfaitement le symbole du totem, qui représente nos plus grandes craintes, au travers de ces vaisseaux. Prenant la forme d’une paupière, d’un globule ou d’un visage il parvient à franchir une nouvelle étape dans la thématique de l’objet vide, en prenant comme appui le 2001 de Kubrick et son monolithe qui se retrouve içi symbolisé par la télévision, les smartphones et l’ensemble du mode de vie contemporain, mis en scène de manière cubique.

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Vous l’aurez compris, les formes géométriques ont une importance considérable dans Premier Contact. Dès les premières images du film, nous sommes avertis sur la « clé » de l’histoire. Mais pour résoudre l’énigme, il faudra suivre le cercle de la narration. Et revenir sur nos pas. En effet, le récit est construit comme un palindrome, pouvant très bien se lire dans les deux sens.

Cet habile édifice permet à Villeneuve de nous montrer que la grammaire cinématographique est mouvante, en perpétuelle évolution. Flash-back évoluant en flashforward ou devenant des visions, toutes les suppositions sont possibles. C’est à nous d’interroger le long-métrage : si nous interprétons ce qu’il nous présente. Ce rapport aux images et à leur quête de sens est un des sujets aussi abordé par le film. En effet, la communication entre chaque pays est délicate tant la diplomatie employée par les différents états entraîne un jeu de faux semblants. Cette incapacité qu’ont les humains à coopérer, tout comme la peur de la puissance des mots que l’on ressent à chaque instant, est malgré tout montrée par Villeneuve de manière bancale.

Utilisant des agents gouvernementaux prêts à tout pour affirmer leur supériorité, l’auteur de Prisoners s’efforce de trouver un antagoniste. Il pouvait clairement s’en passer tant le personnage de Louise, interprété par Amy Adams, est complexe. Jonglant subtilement entre la détermination et le complet désespoir, il est l’un des points forts du film. On perçoit un réalisme encore plus fort dans la direction d’acteur de son female lead en comparaison de Sicario.

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Et si l’on pourrait douter que son style puisse s’adapter à n’importe quel genre, Villeneuve parvient à nous prouver le contraire. En effet, l’univers du film emprunte énormément à la littérature de science-fiction (encore plus qu’aux films de Spielberg, Kubrick ou Tarkovski). L’organisation géopolitique et la quête du personnage principal semblent être inspirés du roman La Nuit des Temps de l’écrivain français René Barjavel. Rien d’étonnant lorsque l’on sait que le film est adapté lui aussi d’un roman. Pour ce qui est de l’univers visuel, Villeneuve a aussi cherché l’inspiration dans les romans. Les envahisseurs pourraient fièrement figurer au bestiaire de l’auteur H.P Lovecraft, auteur jugé inadaptable qui ne cesse d’inspirer les réalisateurs du monde entier. Il était devenu peu fréquent de voir des créatures similaires à celles que l’on retrouve dans la mythologie de l’auteur américain. Ce design devient évident et s’intègre parfaitement à la direction artistique du film.

C’est durant les séquences où humains et extra-terrestres vivent à l’image que Villeneuve brille par sa mise en scène. Prenant elle aussi la forme d’un cercle, les séquences à l’intérieur du vaisseau sont prodigieuses et nous offrent une complète reconstruction de l’espace. Le montage de cette première rencontre pioche allègrement du côté de Spielberg et Verhoeven pour installer son climax.

Cependant, si la première bobine est d’une efficacité redoutable, le film perd rapidement son rythme. La routine qui s’empare des personnages atténue l’enjeu mondial qui découle de l’arrivée des extra-terrestres. Une intrigue amoindrie, qui est réanimée par une sous intrigue clichée et facile (on comprend rapidement les enjeux sous-jacents) en opposition à ce que le film nous offrait jusqu’alors.

Malgré tout, ce souci de rythme assombrit très peu la qualité de construction du film. La notion de montage linéaire est complètement remise en question. Pour autant, nous ne sommes pas face à un récit décousu. Chaque séquence peut se lire en ayant la conclusion ou non. Nous permettant ainsi de revoir le film de manière infinie.

Premier contact est une étape importante de la carrière de Denis Villeneuve, montrant sa capacité d’adaptation à n’importe quel genre. Il réalise un film qui comprend les codes narratifs et visuels de son époque tout en restituant un spectacle à l’imaginaire foisonnant de bonnes idées. Un film qui ne peut que nous mettre l’eau à la bouche pour son prochain métrage : Blade Runner 2049, la suite du chef-d’œuvre de Ridley Scott.

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NOTE GLOBALE
Keyser Swayze

Biberonné à la Pop Culture. Je tente d'avoir une alimentation culturel saine et variée, généralement composée de films qui ne prennent pas leurs spectateurs pour des cons. Carpenter, Wright et Fincher sont mes maîtres.

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