On continue pour le marathon PIFFF 2017. Le samedi après-midi était consacré aux courts métrages internationaux.
Aperçu de la relève du cinéma fantastique, les 10 élus -triés parmi plus de 3000 projets – constituaient un panel très hétéroclite.
Etats-Unis, Angleterre, Espagne mais aussi Italie, Mexique, Suisse et Belgique. Autant de folklores synonymes d’approches radicalement différentes de l’horreur. Cumulés à la liberté qu’offre le format court-métrage, le public a eu de quoi se sustenter.
Etats-Unis : Nostalgia Apocalyptica
Great Choice / Robin Comisar / 2017
Diffusé très tard sur adult swim, Too Many Cooks a cependant attiré une nuée considérable de curieux grâce à l’acharnement de quelques spectateurs insomniaques qui ont propagé la vidéo via Youtube. Un projet surréaliste avec comme ligne directrice la nostalgie portée envers les années 80. Casper Kelly, le créateur de la vidéo ne voit pas cette mode vintage du même oeil. Torpillant à coups d’effets malsains les clichés de cette époque. Totalement ancré dans son époque (usant de codes rétros pour s’en moquer), le film n’a pas tardé à s’affubler de rejetons plus ou moins proches de l’originale.
Great Choice est très clairement l’un des représentants les plus réussis. Sa reconstitution maligne et fidèle d’une publicité des années 80 a de quoi faire sourire. Pourtant, Comisar déconstruit le puzzle pièce après pièce, visionnage après visionnage. Sabotant au fur et à mesure sa propre timeline de montage, le film dérape de manière extrêmement brutale. L’effet de rupture est prenant grâce à un build-up bien conçu. Cependant, la réalité qui nous est dépeinte dans ce dernier tiers manque de consistance.
We Summoned a Demon / Chris McInroy / 2017
Depuis la diffusion de Stranger Things, une branche du cinéma d’horreur américain s’obstine à recréer l’ambiance vintage des films loués au vidéoclub. We Summoned a Demon appartient à ce genre, qui exploite des codes pourtant à des kilomètres de ce qui existait dans les années 80. Petite pastille de 6 minutes, le film est à saluer pour sa photographie léchée et ses effets spéciaux de haute qualité au vu du très faible budget.
Espagne : Eloge de l’imprévu
Marta / Lucia Forner / 2017
Le cinéma de genre européen s’évertue à mettre en scène des héroïnes fortes et valeureuses à contrario des potiches qui peuplent les slashers américains.
Marta poursuit donc cette mouvance. Miroir de sa réalisatrice Lucia Forner, Marta souhaite devenir la première tueuse en série de l’histoire. Inspirée des slashers et des véritables serials killers, elle a déjà tout son plan en tête. Mise en scène de ses meurtres façon snuff movies, masque iconique, surnom à faire pâlir n’importe quel badeau… Marta est définitivement prête à terroriser l’Espagne.
Textuellement, le film réussi parfaitement son discours méta. Les citations d’œuvres sont nombreuses mais servent l’intérêt du récit. La réalisatrice n’étale pas sa confiture ou rend hommage. De plus, les dialogues et les interprétations rendent l’attachement avec les personnages immédiat.
A l’image, la direction artistique et la réalisation rendent compte d’une véritable recherche d’iconisation. L’ambiance est prenante.L’utilisation des matières dans les trois décors permettent de rentre chaque environnement distinctif.
R.I.P / Caye Casas & Albert Pinto / 2017
Une première dans l’histoire du PIFFF, Caye Casas & Albert Pinto sont venus présenter leur court métrage R.I.P mais également leur 1er long métrage, Matar A Dios.
Heureux hasard, les deux films étaient diffusés dans la même journée à quelques heures d’intervalles. Il fut ainsi intéressant de distinguer les éléments qui faisaient la marque de fabrique du duo.
Film le plus long de la sélection, R.I.P raconte la préparation d’un homme bien en vie à ses propres funérailles. Un postulat de départ à l’humour noir plein de roublardise et de méchanceté.
Et c’est effectivement le cas. S’amusant avec leur concept jusqu’à épuisement, Casas & Pinto s’affranchissent des bonnes manières. Jonglant entre punchlines et situations tragico-absurdes, le film est une complète réussite. Le casting – jubilatoire du début à la fin – démontre une direction d’acteur malicieuse et exigeante. Film fait à 4 mains, Casas & Pinto trouvent chacun leur terrain de jeu. L’un dans la photographie et la réalisation. L’autre dans la D.A et la direction d’acteurs. Un giga cerveau à la tête d’une production bluffante. L’ambiance qui s’y dégagent n’est d’ailleurs pas sans rappeler un autre duo : Caro et Jeunet..
Italie : Jeunesse perdue
Twinky Doo’s Magic World / Alessandro Izzo / 2017
Teaser conçu pour titiller l’intérêt de producteurs, Twinky Doo’s Magic World (qu’on va appeler Twinky Doo pour la suite) nous place aux côtés de jeunes braqueurs pris au piège dans un dépôt de pâtisseries américaines Twinky Doo. Des muffins délicieux pour petits et grands, qui malgré l’apparence toute proprette de son écureuil de mascotte, cachent un lourd secret.
Se rapprochant du cinéma de Carpenter dans ses thématiques, l’entreprise Twinky Doo est une méga corporation (avec parc d’attraction et produits dérivés) tirant les ficelles de toute la société. Difficile de se faire un avis sur le court-métrage mais la note d’intention fait saliver.
L’horreur est ici plus ancré dans la psychologie des personnages. Derrière la paranoïa carpenterienne et la mega corporation sans visage, Alessandro Izzo travaille autour des peurs enfantines dans le style de Stephen King.
La mise en scène, très photographique, rend compte d’un film inspiré par les séries anglaises comme Misfits ou Utopia.
Une note d’intention visuelle donc, extrêmement alléchante par son univers et les moyens déployés qu’il est impossible de juger en l’état.
The Hour Of Darkness / Domenico De Feudis / 2017
Porté par sa jeune actrice principale, The Hour Of Darkness est un dialogue entre une petite fille, retenue en otage, et la standardiste d’un numéro d’urgence.
Utilisant le hors champ de manière brillante, le film fait varier sa tension progressivement. Crescendo parfaitement maîtrisé, le film nous force à rester aux côtés de la jeune protagoniste. Nous faisant toujours face, elle redouble de paranoïa quant à se qui se trame derrière elle.
Se déroulant en temps réel, le film offre un contexte prenant et sans aucun échappatoire. En contraste, la direction artistique ainsi que l’ambiance fantastique manque de crédibilité pour donner au film des atouts redoutables.
Angleterre : La menace est parmi nous
The Mayflower / Christopher Goodman / 2017
La hard science fiction est le sous genre le moins représenté lorsqu’il s’agit de court-métrage. Privilégiant un concept immatérielle, beaucoup de réalisateurs font l’impasse sur des univers futuristes synonymes de coûts de production importants.
The Mayflower a l’audace d’offrir un univers riche pour un court-métrage. Il contient de nombreuses séquences à effets spéciaux, des costumes élaborés et des maquillages proches de ceux qu’on peut retrouver dans des séries à moyens budgets.
Le court-métrage de Goodman emprunte à la SF de Ridley Scott. La comparaison avec Alien est indiscutable, notamment dans la capacité du film à offrir des visuels bluffants.
Proche également des courts-métrages de Neil Blomkamp (Chappie, District 9…) sur sa chaîne Oats Studio, le film se cantonne pourtant à être une démonstration visuelle. Les acteurs peinent à convaincre, souffrant d’un manque de charisme derrière leur scaphandre. Quant au scénario, compilation de troppes du genre, il ne viendra pas réinviter la roue.
Suisse : Co-habitation difficile
Protection Plan Full Moon / Elias Jutzet / 2017
Avant de parler de celui-ci, petite mise en contexte. La population Suisse, tout comme Belge, est scindée en deux parties. Le pays est scindé entre les Suisses Allemands et les Suisses Français. Tout comme les Flamands et les Wallons, une mésentente perdure pour savoir à qui revient la souveraineté du pays.
Parabolant ce conflit, la mise en contexte emploie l’apparition de lycanthrope en Suisse. Dans le carton d’ouverture, il est présenté que tous les loups-garous doivent se présenter dans des abris les soirs de pleine lune. Les tenants captifs afin d’éviter tout débordement.
Le film nous présente la situation de 2 lycanthropes, un allemand et un français, venus pointer au bunker le plus proche. Pourtant, une fois devant le bureau d’admission quelque chose cloche.
Matriochka de métaphore, le film utilise des éléments de la Second Guerre Mondiale pour créer les règles de son univers.
Tout comme The Mayflower, Protection Plan Full Moon fait office d’amuse gueule. Porté par un univers construit et crédible, ce buddy movie horrifique peine à s’affirmer et se contente d’une exposition très conventionnelle.
Frustrant puisque la diègèse du film semble refléter un travail très conséquent.
Belgique : Certains secrets sont difficiles à cacher.
A Chacun Sa Malédiction / Lorène Yavo / 2017
Bénéficiant également d’un univers développé, A Chacun Sa Malédiction est un film d’animation qu’on pourrait situer entre Zombillenium d’Arthur de Pins et Persepolis de Marjanne Satrapi.
Court-métrage le plus pop de la sélection, le film intègre le merveilleux dans un contexte réaliste. Car malgré la douceur du dessin et des teintes, il aborde des sujets graves sans aucune retenue. Le message reste légèrement confus de même que le fonctionnement du monde qui est dévoilé. Le film fait cependant un sans faute au niveau de ses gags ainsi que son doublage, impressionnant pour un projet étudiant.
L’animation est elle aussi très réussie. Tous les personnages parviennent à se distinguer, les effets physiques (fumées, vitesse, brins d’herbes qui bougent…) sont très convaincant également.
Mexique : Crée ton propre monstre
Sculpted / Christian Hernandez / 2017
Ce dernier court-métrage entraîna des réactions partagées parmi le public. Sculpted est un court-métrage proche de l’expérimental orienté art plastique.
Dans une maison de retraite, une dame façonne avec de la pâte à modeler une sculpture à l’apparence humaine.
Les partis-pris de Sculpted ont en effet de quoi laisser songeur. Le film est une succession de micro-séquences, nappées d’une voix-off énigmatique. Proche des courts-métrages de David Lynch, l’image est granuleuse afin de créer une matière visuelle pour le spectateur. La réalisation s’inscrit, elle, dans le found-footage donnant à l’ensemble un résultat plutôt déstabilisant. Se bouclant sur un plan très angoissant faisant succéder des visions cauchemardesques à la Clive Barker ou H.R Giger, Sculpted vaut qu’un œil soit porté dessus par son originalité et ses choix extrêmes.
Une sélection très complète donc qui laisse de grands espoirs pour le cinéma de genre mondiale, tant les propositions sont toutes différentes et complémentaires.
A l’issue de la projection, c’est donc R.I.P de Cassas et Pinto qui remporta l’Oeil d’Or du meilleur court-métrage. Salué pour sa direction artistique et ses interprétations impeccables.