Dans le cadre du Festival du Film Francophone d’Angoulême, j’ai pu assister à la projection du film en compétition Much Loved de Nabil Ayouch. Il y avait beaucoup de monde, le réalisateur est venu présenté son film en remerciant le festival de le diffuser après « les difficultés que l’on sait » (à savoir un procès et des menaces de mort) et a également présenté son actrice principale, Loubna Abidar, qui a bien précisé « tout ce que vous voyez dans le film, tout est vrai ». Mais que vaut donc ce brûlot ? Y a t il une vraie œuvre cinématographique derrière le scandale ? Réponse maintenant.
Much Loved raconte la vie d’un groupe de prostituées marocaines dans un pays qui ne fait pas la part belle à l’égalité des sexes. Qu’à cela ne tienne, Noha, Soukaina, Randa et Hlima doivent payer leur loyer (et celui de la famille) et sont travailleuses du sexe à leur compte, assisté de Saïd, leur « homme à tout faire ». Autour de leur famille de fortune gravitent la drogue, l’argent, l’homosexualité, et la dignité malgré tout.
Grosse claque. C’est toute tremblante et la larme à l’oeil que je sors de la séance, émue. Entre fiction et documentaire (Ayouch a casté 300 femmes ayant été ou étant prostituées), c’est avant tout un film d’une extrême honnêteté que Nabil Ayouch nous livre. Mais une honnêteté qui fait mal, celle qu’on a pas envie d’entendre et de voir. Rien d’étonnant donc, que le film soit interdit de diffusion dans son propre pays. Le quotidien de ces femmes y est dépeint sans détour, entre scènes de sexes et de soumission, entre amitiés et rires. Mises au ban de la société tout en gardant la tête haute, ces femmes sont, en fait, des révolutionnaires.
Sur la forme, Much Loved est un film réussi, rien à redire si ce n’est quelques longueurs dans le dernier tiers. La musique est également très réussie et tout ce savant mélange évite l’œuvre de basculer dans le glauque et le cliché. Chapeau bas au réalisateur. Chapeau plus que bas, révérence et admiration éternelle pour les acteurs du film en général, et en particulier, Loubna Abidar qui porte sur ses épaules de femme forte la totalité du film. Actrice à suivre, mesdames, messieurs, on a rarement vu autant de justesse et de talent dans une seule interprète. Et un grand merci à Nabil Ayouch, qui, en tant qu’homme, a réalisé un film sur les femmes, qu’on aurait pu croire réalisé par une femme.
Sur le fond, attention débat. On va s’éloigner un peu du cinéma quelques instants, si vous le permettez (sinon, allez directement à la fin de l’article). En tant que femme, j’ai été particulièrement touchée par ce film. Et en tant que femme occidentale, la seule discrimination visible qui me ramène à ma condition de femme est le harcèlement de rue (si vous êtes une femme, vous voyez très bien ce que c’est; si vous êtes un homme, vous êtes à peu près sûr que c’est une légende urbaine). Très présent à Lyon, moins à Paris et encore moins à Angoulême, le harcèlement de rue est le meilleur moyen sur notre continent de se remémorer le gouffre homme/femme. On va pas développer ici, c’est pas le propos, ceux que ça intéresse se rendront sur