La Mort de Louis XIV est le cinquième long métrage du réalisateur espagnol Albert Serra.
Ces dernières semaines la vie n’est que cadeaux. Les Etats-Unis ont confié l’arme nucléaire à un type incapable de gérer son compte Twitter, Recep Tayyip Erdogan marque tous les jours de nouveaux points au challenge Kim Jong-Il des droits de l’Homme et un de nos anciens Présidents pense que les fondements de la République se trouvent au fond d’une barquette de frites. Pour me remonter le moral je suis donc allé voir Jean-Pierre Léaud agoniser pendant deux heures.
Car c’est là le sujet du dernier film d’Albert Serra, La Mort de Louis XIV, et c’est autour de ce roi mourant, ce corps qui très rapidement est celui d’un gisant, qu’il en articule tout le dispositif.
Scénaristiquement, tout d’abord, par le portrait de ce monarque que la vieillesse et la maladie ont plongé dans un état paradoxal : quasi impotent, incapable de satisfaire à ses besoins, y compris organiques, sans prise sur l’armée de guérisseurs qui s’agite vainement autour de lui mais qu’on devine toujours puissant, préparant le Dauphin à lui succéder, examinant le sort d’un port et inspirant le respect à ses courtisans ; lucide jusqu’au bout et presque stoïque face à la mort mais perdu comme un enfant sans son valet.
Autour de ce roi Albert Serra montre également les phénomènes de cour, qui à la fois en asservissent les membres, simples figurants qui cherchent à s’attirer les faveurs du souverain, même les plus misérables, et ne cessent de flatter jusqu’au ridicule ses moindres gestes, y compris après la mort, où on salue la taille extraordinaire de ses organes, et dépouillent dans le même temps cet objet de culte de toute intimité, son corps affaibli offert à la vue de tous dans le déclin.
Loin de toute ironie ou dénonciation, le film laisse d’ailleurs voir une dévotion sincère de la part des plus proches serviteurs de Louis XIV, dont le corps sert également de point central à la mise en scène. Immobile, il est au cœur de la composition des plans, très réussie et à la dimension picturale évidente. Pour autant le film n’est pas une réussite visuelle. La qualité des images, ternes, granuleuses, manquant de netteté, lui nuisent. Par ailleurs la mise en scène manque indiscutablement de puissance ; si l’étirement des scènes participe du sentiment de délitement du corps royal, celles-ci manquent d’une réelle intensité dramatique, que ce soit dans les mouvements de caméras, quasi-absents dans les quelques séquences où ils auraient été nécessaires, et le recours trop limité à la musique, qui confère pourtant au seul moment où elle apparaît un souffle dont aurait cruellement besoin l’ensemble.
C’est d’autant plus regrettable qu’Albert Serra aurait pu par quelques ajustements, sans sacrifier à la sobriété et à la justesse de son oeuvre, signer un film marquant, à la hauteur du personnage et de la remarquable prestation de Jean-Pierre Léaud.