Ari Aster ne parvient toujours pas à nous convaincre. Midsommar ne sera décidément pas le film de la réconciliation. Critique.
Une chose est sûre : Midsommar repose sur une esthétique impressionnante. Que ce soit la mise en scène soignée, le sound desing, la musique captivante, ainsi que les costumes, les décors et même le moindre objet manufacturé de cette communauté suédoise dite de « Hårga », tout est minutieusement pensé et travaillé pour donner corps à ce récit d’une simplicité désarmante.
Et pourtant, c’est là où le bât blesse : passé un prologue choc tracé au cordeau, l’histoire ne parvient jamais à décoller, faute à un script qui paraît tout de même assez prévisible.
Si bien sûr nous n’allons pas forcément au cinéma pour être surpris toutes les 30 secondes, il est tout de même regrettable de ne rien à avoir à se mettre sous la dent sur ce plan-là. Sans même évoquer la question des émotions fortes (est-ce devenu vulgaire d’y songer ?) hormis, soyons honnête, une malheureuse scène qui est en plus un brin complaisante, tout semble bien convenu et déceptif sur ce plan-là.
Le récit s’attelle à suivre Dani (formidable Florence Pugh vue notamment dans The Young Lady) et Christian (Jack Reynor, également parfait dans son rôle de tête à claque même s’il n’a pas grand-chose à jouer), qui sont sur le point de se séparer alors que la famille de Dani est touchée par une tragédie.
C’est dans ce contexte particulier qu’ils prennent l’avion pour la Suède avec les amis de Christian étudiants en anthropologie qui souhaitent assister à un festival qui n’a lieu qu’une fois tous les 90 ans dans un village isolé.
Une fois le film mis sur ces rails, on devine très rapidement où tout cela va nous conduire. Malheureusement, Ari Aster semble avoir mis un point d’honneur à intégrer à ce récit somme toute assez tenu l’ensemble de la documentation qu’Henrik Svensson et lui-même ont glanée pendant la phase de production. Il en résulte a contrario une drôle d’impression de vide ou plutôt d’absence de vérité et de nécessité où le spectateur se retrouve plongé dans de longues séquences folkloriques interprétées par des acteurs qui semblent pour la plupart étrangers à tout qui se trame à l’écran.
L’amateur d’histoire et de patrimoine que je suis se retrouve très rapidement décontenancé par ce trop plein dissimulant mal un manque d’inspiration. On finit même par s’imaginer sur le plateau avec tous ces figurants ne comprenant pas ce qui leur arrive, dirigés par ce réalisateur new-yorkais en banlieue de Budapest (car évidemment la recherche d’authenticité a des limites).
Mais la véritable faiblesse du film s’avère être son absence de consistance : ni les personnages, tous plus antipathiques les uns que les autres, ni le scénario nous aident à croire à cette histoire.
Puis, on comprend rapidement que le sujet du film est moins l’acceptation du deuil (le prologue est presque une fausse piste) que celle d’une rupture. Loin de la gravité d’Hérédité, Midsommar fraye davantage avec des enjeux plus sentimentaux et il devient clair que l’émancipation de Dani est l’enjeu principal du film. Émancipation que l’on peut résumer en une phrase : « comment se débarrasser d’une relation toxique et trouver sa véritable famille ».
Passé ce constat, on peut tout de même se demander si Ari Aster s’intéresse réellement à ses personnages qui n’ont quasiment aucune scène pour nous faire ressentir ce que c’est de vivre une telle expérience. On pense parfois à Délivrance en imaginant ce qu’aurait pu donner ce choc des cultures avec un réalisateur chevronné. Puis on revient très rapidement à ce qui se passe à l’écran pour constater l’étendue du fossé qu’il existe entre ce nouveau courant du cinéma indépendant américain, plus enclin à délivrer des atmosphères certes impressionnantes que des films tenant réellement la route sur la longueur.
Le décorum hippie chic finit d’enterrer nos illusions et de piéger le réalisateur dans son absence de consistance par la même occasion.
On ne désespère pas car Ari Aster a un talent de metteur en scène inné, mais on se demande de plus en plus si ce réalisateur a quelque chose à raconter tant ses deux long-métrages trahissent une absence de nécessité sur le plan narratif et opératique.