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Lire le cinéma

By 9 octobre 2016mars 15th, 2018Quoi de neuf doc ?
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Lire le cinéma, les meilleurs livre sur le cinéma. Dix livres, dix étapes plus ou moins indispensables pour mieux lire le cinéma. Biographies, entretiens, essais critiques, philosophie, Etienne a fait le tri dans quelques milliers de pages qui nous apprennent à mieux comprendre ce que l’on voit.

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1) Le plus POLITIQUE : « L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique »

Il y en a eu des essais importants sur le cinéma dans ses premières années, en particulier en France (Gance et consorts) et en Russie (Poudovkine et compagnie). Mais nous avons décidé de débuter notre bibliothèque idéale de manière chronologique avec cet essai de Walter Benjamin écrit en 1931. Dans cette étude brillante et transversale des arts (et en particulier du petit jeune, le cinéma), il est question de l’aura de l’oeuvre originale et de la perte de cette aura dans ces nouvelles conditions de production/multiplication. Fascisme et communisme sont également convoqués – en quoi l’art comme produit de masse devient politique ? Walter Benjamin séduit souvent par la clarté de ses raisonnements. Et pour ne rien gâcher, l’édition d’Allia est un splendide petit livre-objet.

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2) Le plus INFLUENT : « Qu’est-ce que le cinéma ? »

Il suffit d’entendre Rivette sur le sujet pour se convaincre que Bazin a vraiment été la figure paternelle fondatrice pour les jeunes turcs et l’âge d’or qui a suivi. C’est Bazin le premier qui a eu une vision, qui a écouté, qui a rassemblé. Longtemps premier directeur des Cahiers du cinéma, il est l’homme qui a défendu Renoir, qui a aimé, porté, inventé Rossellini, qui a posé les bases du goût en France et de l’analyse du film comme un art en soit. On se souvient en particulier du texte sur le Mystère Picasso.

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3) Le plus DÉCISIF : « Notes sur le cinématographe »

On peut, on doit parler ici de manifeste. Robert Bresson écrit son programme cinématographique, décrit ses méthodes de travail, les limites du théâtre filmé, les intentions de cette neutralité de façade. Comment faire du cinéma différemment ? Alors qu’Hollywood connaît ses plus belles années, Bresson pense le film autrement et créé de nouveaux acteurs, toujours entre l’émotion brute du cinéma amateur et la maîtrise totale d’un art proche de la littérature. Les mots. Dire les mots. De l’amour qu’il porte à Bernanos à l’amour que lui portrait Duras.

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4) le plus GONZO : « Le cinéma infiltré »

En France on a connu Grover Lewis d’abord à travers les traductions et les articles de Philippe Garnier et son magnifique « Freelance » en 2009. Depuis les bordelais des jolies éditions Capricci sont passés par là les meilleurs papiers de Grover pour Rolling Stones dans les années 1960. La fameuse rencontre délirante dans la caravane de Mitchum sur un tournage par triste. Le principe donc : écrire des articles qui ne sont en train de s’écrire, pris sur le vif, avec tous les à côté qu’un pro n’est pas censé décrire, le glamour en moins, l’humour en plus. De « La dernière séance » de Bogdanovich, à « Vol au-dessus d’un nid de coucou » de Forman en passant par le « Guet-apens » de Peckinpah. Pour une fois le mot culte n’est pas galvaudé.

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5) le plus INTIME : « Ma vie et mes films »

Renoir le bon copain, Renoir le beau parleur. Quel client pour une autobiographie ! Ces mémoires sont plus précieuses qui soient, de l’enfance auprès d’un génial impressionniste de père aux années expérimentales des premiers films fauchés, des succès colossaux des années, les années Gabin aux années américaines en passant par une traversée de l’Atlantique avec Saint-Exupéry, une virée new-yorkaise avec « Bob » Flaherty. Ahhh Renoir ! Enfin un cinéaste qui ne semble par être embarrassé par les mots, et un qui ne manque pas de matière, au moment des souvenirs d’une vie ô combien riche. Quarante ans d’histoire du cinéma vécue et bien vécue.

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6) le plus CONNU : « Hitchcock-Truffaut »

Ou plus communément appelé le Hitchbook. C’est la bible de beaucoup de collectionneurs, le livre star, la rencontre de deux légendes. Pourtant il faut reconnaître que, en dehors de quelques délicieuses anecdotes (le verre de lait dans Suspicion !), ces deux égos se renvoient la balle dans une forme d’auto-congratulation assez épuisante et condescendante. Léchage de bottes grand format, on se demande si Chabrol et Rohmer n’avait pas déjà écrit l’essentiel sur le maître dix ans plus tôt. Mais pour un livre d’entretien, c’est un immense classique auquel on préfèrera le plus intime et riche Sergio LeoneNoël Simsolo aux éditions des cahiers (qui décrit un fabuleux travelling dans les rues de Stalingrad dans un film qui ne verra jamais le jour).

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7) le plus PHILOSOPHIQUE : « L’image-mouvement »

Formant un célèbre diptyque philosophico-cinéphile avec « L’image-temps » (tome 2). Il y a ici, comme chez Baudrillard, des passages plus obscurs que d’autres mais surtout quelques intuitions géniales. L’argumentation, la démonstration est parfois accessoire même si Deleuze fait montre de ses talents de pédagogue. Mais enfin tout n’est pas nouveau ici, pour qui a déjà mis le nez dans la critique de cinéma (un peu poussée). Il est cependant agréable de marcher côte à côte avec ce fascinant cerveau, monstre de savoir, et grand cinéphile qui utilise les films simplement, au plus près, pour illustrer son propos. Donc beaucoup de Griffith, d’Eisenstein bien sûr, la différence entre Chaplin et Keaton, des chapitres sur le gros plan chez Bergman, sur Bresson, Kurosawa/Mizoguchi, une analyse détaillée d’Hitchcock ou de la comédie Lubitschienne (et pourquoi Lubitsch est particulièrement prédisposé pour le film de costume !

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8) Le plus INDISPENSABLE : « Ciné-journal »

Daney notre phare dans la nuit, notre camarade résistant face à tous les démissionnaires, notre ciné-voyageur. Inspiré, oui, quand il écrit sur Resnais et les limites de son cinéma, sur Wenders et sa palme méritée, sur Kusturica et sa palme peut-être moins méritée, sur les J.O de Los Angeles 1984. Un voyage, c’en est un, du Japon (Mizoguchi, Naruse, Kurosawa) aux Philippines (Brocka) en passant par le Mexique de Buñuel ou la Suède de Bergman (entretien croustillant). Daney donne furieusement envie de voir/revoir des films, « El », « Trouble with Harry », et élabore ses théories plus ou moins capillo-tractées mais toujours savamment construites – on tient davantage au jeu intellectuel, au plaisir d’argumenter, qu’à déterminer si l’ami Daney a raison ou non (Daney a raison à priori, on est de son camp, de sa famille, quand il crie au secours de Dreyer et défend corps et âmes « Gertrud », oui, bien sûr qu’il a raison même si le film est chiant à mourir).

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9) Le plus BEAU : « Road Movie USA »

L’objet parce que ce livre est sublime (grand format, photos splendides) mais aussi livre brillant de bout en bout de l’héritier de Daney, le sympathique Jean-Baptiste Thoret, historien (du cinéma) et critique à la cool. Le Road movie est le film américain par excellence bien sûr (l’Amérique n’a pas d’Histoire mais un territoire qu’on arpente), Thoret le prouve en partant, non pas forcément du western mais de Chaplin (!) avec la fin des Temps modernes comme premier Road movie – il fallait oser. Il continue avec la clé du livre, l’importantissime « les raisins de la colère de Ford » qui encre politique les raisons dans les années 1930 des vagues de migration et donc de route/Road. Enfin un chapitre sur Apocalypse Now comme Road movie sur l’eau. Un livre culotté et absolument fascinant comme tout ce qu’écrit Thoret : son livre sur Cimino, son incroyable petit bouquin sur l’assassinat de Kennedy.

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10) Le plus ACTUEL : « Les vies de Tom Cruise »

Il y a quelques années, Jean-Marc Lalanne avait publié un article fascinant sur Nicole Kidman. Il y décrivait le jeu de miroir entre Kidman à la ville et ce que les rôles qu’elle interprète, ces personnages, disent d’elle. « Les vies de Tom Cruise » en est le pendant idéal, le complément parfait, une élégante manière de développer davantage ce jeu intellectuel. Cruise est fascinant dans son mystère, dans ses contradictions : jeune premier éternellement jeune, toujours en mouvement, scientologue adulé des foules, il ne joue toujours qu’un rôle : celui de Tom Cruise. Il a même, après une première partie de carrière auteuriste (Kubrick, Spielberg, De Palma, Scorsese etc) su créer son propre monde, ultra contrôlé, celui du Tom Cruise Movie qui se désintéresse du réalisateur puisque l’homme est plus fort que ses films et réalise des records d’entrées quelque soit le cinéaste aux manettes (le seul homme aux manettes a toujours été Tom Cruise depuis qu’il a obligé Tony Scott à réécrire le scénario de Top Gun à sa convenance). Petit essai brillant qui s’avale en une gorgée.

Bientôt la partie 2 de nos conseils lecture avec la liste de Noodles. Au programme :

  • De l’autobiographie faisant exploser le compteur « melon »
  • Du Nanarland
  • Du cinéma asiatique
  • Du Nouvel Hollywood

Bref, du Noodles…

Étienne

Né en 1982, journaliste de formation. Je vis à l'étranger depuis 2008. J'ai travaillé pour 5 magazines et 2 émissions de télévision. Je cherche obstinément un cinéma à la marge, qui aurait un langage propre. Le cinéma expérimental et l'art contemporain m'attirent particulièrement.

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