Le ralenti (slow-motion), cet artifice simple et connu universellement, permet de sublimer un moment dramatique (par exemple, In the mood for love) ou une scène d’action (dans deux styles différents : les gunfights de Sam Peckinpah et de John Woo). Le ralenti, arme fatale ? Focus.
Au fait, un ralenti c’est quoi ?
C’est une technique utilisée en cinéma consistant à ralentir le mouvement d’un sujet lors de la projection.
Techniquement, c’est tout bête : le metteur en scène modifie la cadence de prise de vue d’une caméra en l’accélérant. Cela permet à la caméra de filmer non pas 24 mais 48 ou 72 images par seconde. Ainsi, il est possible de ralentir par 2 ou 3 le mouvement en ne projetant que 24 images par seconde.
Le ralenti, c’est récent ?
Non, c’est même très ancien !
On peut considérer que le ralenti est le premier effet spécial de l’histoire du cinéma, le ralenti a été inventé par hasard avant même la création du cinématographe des Frères Lumière. En 1894, William Kennedy Laurie Dickson et William Heise, employés de Thomas Edison, découvrent le ralenti en voulant résoudre un problème de luminosité sur un film.
Et oui, il faut dire que le diaphragme réglable qui permet aujourd’hui de régler la luminosité n’existait pas encore… Ils optent donc pour une autre solution : ils tentent de réduire le temps d’absorption du capteur photosensible en augmentant la cadence de prise de vue. Ils passent de 18 à 35-40 images par seconde. Du coup, la lumière absorbée était moins importante et les images étaient nettes. Mais…la projection étant limitée à 18 images par secondes, le ralenti était né.
Ca sert à quoi ?
À tout ! Que seraient les fameux gunfights des films de Sam Peckinpah sans le ralenti ? Ce dernier venant appuyer l’horreur de la scène :
La Horde sauvage – Scène finale :
Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia :
Que serait la séquence finale de Zabriskie Point d’Antonioni sans ce dernier ? Une scène mêlant pur plaisir technique et plastique sur une musique des Pink Floyd :
Zabriskie Point, M.Antonioni, 1970 : scène finale avec la musique des Pink Floyd :
Sans parler des chorégraphies ultra violentes de John Woo dans ses chefs d’oeuvres que sont The Killer, À toute épreuve, ou même Une balle dans la tête :
À toute épreuve de John Woo :
Une Balle dans la tête de John Woo – scène de fin :
Et surtout son chef-d’oeuvre en termes d’esthétique de la violence, cette scène du Syndicat du crime 2 :
Autre moment de pure violence magnifiée par une alternance de ralentis et de mouvements accélérés : The Blade de Tsui Hark :
Ou encore toute la filmographie de Brian de Palma jusqu’au point d’orgues de The Untouchables avec cette scène finale techniquement et émotionnellement superbe :
Utilisé avec parcimonie jusqu’à la fin des années 1960, car considéré comme un procédé vulgaire, le ralenti fait de rares apparitions dans des films d’auteurs. Comme dans le final de Bonnie and Clyde de Arthur Penn en 1967 :
Le ralenti s’impose peu à peu au cinéma dans les années 1970. Il devient l’une des marques de fabrique de l’esthétique de la décennie. Le dispositif formel permet à certains réalisateurs d’intensifier l’instant, soit en magnifiant une scène de séduction ou en exposant la violence crue du moment.
Dans les années 1990, d’autres grands réalisateurs s’en empareront pour en faire leur signature.
C’est le cas de deux monstres sacrés de la décennie : Abel Ferrara, de Wong Kar-wai. D’autres leur emboîteront le pas comme en perfectionnant cette technique avec du numérique comme les soeurs Wachowski et la version techno du ralenti, avec le fameux bullet time dans Matrix.
As Tears Go By deWong Kar-Wai (1988) avec les excellents Maggie Cheung et Andy Lau :
Les Anges déchus de Wong Kar-wai (1995) :
Extrait de Matrix (1999) des soeurs Wachowski :