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l'atelier
Note de la rédaction :

Grâce au cinéma Comœdia à Lyon, nous avons eu la chance d’être invités à l’avant-première de L’Atelier. Presque dix ans après Entre les murs, Laurent Cantet renoue avec la jeunesse dans un film ouvertement politique. Antithèse parfaite de Nocturama de Bertrand Bonello, L’Atelier propose un regard rafraîchissant sur, non pas une jeunesse, mais des jeunesses, tantôt conquérantes, tantôt désabusées, et toujours lucides. Critique.

La Ciotat, été 2016. Antoine (première apparition très convaincante de Matthieu Lucci) a accepté de suivre un atelier d’écriture où quelques jeunes en insertion doivent écrire un roman noir avec l’aide d’Olivia (Marina Foïs qui cherche ses marques pendant une partie du film), une romancière connue. Le travail d’écriture va faire resurgir le passé ouvrier de la ville, son chantier naval fermé depuis vingt-cinq ans… toute une nostalgie qui n’intéresse pas Antoine. Davantage connecté à l’anxiété du monde actuel, il va s’opposer rapidement au groupe et à Olivia, que la violence du jeune homme va alarmer autant que séduire.

On est d’emblée plongé dans ce qui fera la force du film, à savoir l’intrigante opacité du personnage d’Antoine, jeune homme complexe, difficile à catégoriser, aimant aussi bien le sport que la lecture, tout comme la solitude et les fêtes débridées organisées par son cousin.

Au fil des séances d’écriture avec les autres jeunes de l’atelier, Antoine va peu à peu prendre l’ascendant sur le déroulé de l’histoire imaginée par le groupe. Les histoires bien-pensantes autour du passé ouvrier de la cité portuaire ainsi que la préservation de sa mémoire et de patrimoine immatériel à travers cet atelier d’écriture sponsorisé par la Mission locale, très peu pour lui. Antoine profite de ce stage plus ou moins imposer pour faire surgir ce qu’il semble avoir trop longtemps enfoui en lui : sa violence froide, son goût du morbide, du glauque.

A son corps défendant, Olivia tombe dans une sorte de fascination teintée de crainte pour le jeune homme. Une chose frappe cette assemblée : le talent d’écriture d’Antoine est aussi saisissant que sa capacité à effrayer son auditoire par ses visions morbides qui semblent l’obséder.

Néanmoins, l’intérêt du film repose moins sur ces scènes convenues autour de la table, que dans la relation toxique se nouant peu à peu entre Olivia et Antoine. Ce dernier, pris dans un quotidien insipide et sans surprise, est lui-même sous la coupe d’un de ces prédicateurs d’extrême droite sur Youtube (un Alain Soral lookalike…) et semble même se radicaliser à grande vitesse. Les provocations incessantes de ce dernier envers ses autres camarades d’origine maghrébine masquent un problème plus profond qu’Olivia va essayer de percer : Antoine est-il seulement dans une phase de mal-être comme tant de jeunes peuvent en subir ou est-il sur le point de passer à l’acte ?

Quand Bertrand Bonello s’est penché sur le sujet, la question ne se pose même plus : dans Nocturama la jeunesse trouve son salue dans le terrorisme et la mort. Beau constat d’échec qui sera battu en brèche par Laurent Cantet dont le scénario beaucoup plus subtile, écrit à quatre mains avec Robin Campillo, se refuse à tomber dans un nihilisme finalement très convenu et dans l’ère du temps. Nous ne révélerons pas la suite des péripéties mais une chose est sûre Laurent Cantet a su retranscrire ce qui parfois fait toute la force du choix.

Finalement, le réalisateur de Ressource Humaine nous propose une vision existentialiste de cette jeunesse : la liberté est si forte que nul ne peut prédire, même succinctement, les choix d’autrui – y compris cette jeunesse que tout le monde semble redouter (ici Cantet aborde le sujet de l’extrême droite mais cela aurait pu être le terrorisme islamiste lui-aussi traité à d’autres moments du film).

Loin, très loin des discours médiatiques ambiants, Laurent Cantet livre une partition subtile refusant une vision binaire de la société. Pas si éloigné de l’Existentialisme, le message véhiculé par L’Atelier semble au final assumer le fait que chaque individu se définit avant tout par ses actes, actes dont il est pleinement responsable. La jeunesse dépeinte à travers le personnage d’Antoine n’est pas, par essence, perdue, puisqu’elle n’existe pas. Par contre, si ce dernier, proche du Meursault de L’Etranger au début du film, parvient à s’extraire de son quotidien, pourquoi d’autres n’y parviendraient pas ?

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NOTE GLOBALE
Noodles

Fan de cinéma depuis longtemps, je partage mes opinions avec vous. N'hésitez pas à me donner votre avis sur mes critiques. Sur Twitter je suis Noodles, celui qui tombe systématiquement dans le piège des débats relous.

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