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Last Flag Flying de Richard Linklater – Critique

By 18 janvier 2018Critiques
last flag flying
Note de la rédaction :

Last Flag Flying constitue pour Linklater une première incursion dans un cinéma qu’on pourrait à première vue qualifier de « Eastwoodien » : Doc retrouve grâce au Worldwide web naissant (l’action se déroule en 2003, ce qui en fait déjà presque un film d’époque) deux de ses anciens camarades, vétérans du Vietnam, Sal et Richard, afin qu’ils se rendent ensemble aux funérailles de son fils, mort « héroïquement » en Irak.

Le film est adapté du roman éponyme de Darryl Ponicsan, qui faisait suite à The Last Detail,  du même auteur, adapté alors au cinéma par Hal Ashby (1973). Last Flag Flying c’est l’histoire d’une camaraderie retrouvée, ou qui cherche à se retrouver, une camaraderie semblable à celle qui unissait Nicholson, Young, qui trimballent un troisième marine, interprété par Randy Quaid, en prison. Cette dernière corvée était l’occasion pour eux de se donner du bon temps, de combler le vide, de composer avec la peur, en compagnie de prostituées et d’alcool. Le passé flou de Doc, Sal et Richard pourrait bien être celui de ces trois autres marines. 30 ans après donc, ce n’est plus le Vietnam et sa jungle qui avale de jeunes américains, mais l’Irak et son désert. Au sein d’un récit forcément dramatique de par son sujet, Last Flag Flying explore l’ambivalence américaine née dans les années 60, l’éternelle tension entre l’amour du pays et la méfiance, la paranoïa, voire la haine de sa population à l’égard du gouvernement. Le film reste ainsi dans la veine anti-militariste de The Last Detail tout en offrant à ses personnages la fierté d’avoir été au combat, de s’être battu sans reculer, malgré une cause toujours aussi incertaine aujourd’hui qu’elle l’était alors.

Au milieu de ce cadre très américain (certains traits d’humours ne sont d’ailleurs pas toujours compréhensibles pour le public français), l’aspect visuel n’est pas primordial, desservi par une mise en scène fonctionnelle, sans éclat. Le cinéma de Linklater se concentre avant tout sur ses personnages, sur les relations qui se tissent et que la caméra regarde évoluer, déployés ici dans la  veine de la camaraderie au sein de l’armée, entre vétérans du Vietnam, comme avec des vétérans de l’Irak, entre générations donc. Ce sont des relations forgées dans le temps, un motif majeur pour Linklater qui filma le couple Hawke-Delpy de 1995 à 2013, ou Ellar Coltrane dans Boyhood, filmé pendant douze ans. Ces hommes se sont connus, ont vécu le plaisir comme l’horreur, se sont séparés, et ce sont maintenant retrouvés. Une tonalité grise, morose comme parfois plus enjouée, s’installe, de pair avec une sensation de réel, d’humanité. Ces relations se développent sur une dynamique étrange et amusante ; Sal (Cranston) et Richard (Fishburne) fonctionnent comme deux aspects de la personnalité de Doc, incarné par Steve Carell, qui lui est nettement fatigué, effacé, en retrait. Tous ses actes sont motivés par l’une ou l’autre de ces deux instances, la première étant rebelle, et passablement alcoolisée, l’autre apaisée, croyante. Last Flag Flying repose donc essentiellement sur son casting, qui est évidemment excellent. Dans la lignée des Jim Carrey et autre Robin Williams, Carrell continue de montrer ses capacités hors de la comédie, Fishburne revient changé des limbes d’Apocalypse Now, et Cranston incarne idéalement le contrepoint comique, à la nonchalance attachante. Des personnages à la limite d’archétypes donc, mais dont les interprétations permettent d’échapper à cet écueil, notamment par les liens qui les unissent.

Si le film est parfois à la limite d’une trop grande tendance dramatique, appuyée notamment par la bande son, nous dictant presque nos sentiments, ces moments sont déjoués par une légèreté, un apaisement qu’on recherche et qu’on trouve, voire de fou rire. On prend plaisir à vivre deux heures en la compagnie de ces hommes.

Delarge

J’aime rappeler l’héritage des trésors qui façonnent encore aujourd’hui le cinéma, et en amateur de contre-culture et de psychédélisme qui fleure bon les 60-70’s, je révère bien sûr particulièrement le Nouvel Hollywood, et tous ses rejetons.

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