Quand un film français s’attaque aux zombies ça donne quoi ? On est principalement habitué aux divertissements américains en ce qui concerne la monstruosité du mort-vivant, c’est pourquoi ce film peut intriguer la personne lambda qui découvrira la magnifique et vertigineuse affiche du film dans son cinéma préféré. Une question de légitimité se pose, quand Romero et la Hammer ont bâti le cinéma de « zonzon ». Edgar Wright et son Shaun of the Dead et le 28 jours plus tard de Danny Boyle ont rappelé que les voisins n’ont pas oublié de tirer les bonnes ficelles pour nous offrir un film plein de vigueur et de boyaux. Dominique Rocher a tenté le pari fou de donner une légitimité à ce genre en France. Qu’en est-il ? Critique.
Résumé : En se réveillant le matin dans cet appartement où la veille encore la fête battait son plein Sam doit se rendre à l’évidence : il est tout seul et des morts vivants ont envahi les rues de Paris. Terrorisé, il va devoir se protéger et s’organiser pour continuer à vivre. Mais Sam est-il vraiment le seul survivant ?
Ahhh quel pied, d’imaginer un Paris sans ses habitants ! Les matins brumeux sans électricité, avec comme saveur olfactive les restes de chairs traînant près d’un monoprix encore plein de ses pots de Nutella à 1€50. Paris, décor d’une ville zombie est une excellente et rafraîchissante idée.
Adapté d’un roman de Martin Page, La nuit a dévoré le monde a eu le droit à un scénario écrit à 6 mains. Le réalisateur Dominique Rocher et ses scénaristes Guillaume Lemans et Jérémie Guez ont eu une totale liberté. Elle se ressent tout en proposant une relecture de l’œuvre Je suis une légende de Richard Matheson. Ici on ne parle pas du film, mais du livre qui traite en profondeur de la solitude du personnage. Il ne s’agit pas d’un film de zombie de « destruction massive », mais davantage un film de zombie « psychologique ».
En effet, le personnage joué par Anders Danielsen Lie est seul. Le film repose sur cette situation incongrue dans nos vides modernes, de se sentir seul dans un environnement urbain : le personnage devra se créer des habitudes et une nouvelle vie pour survivre. La psychologie du personnage est primordiale, son évolution et peut-être (on vous laisse le suspens) sa chute. Toute la liberté scénaristique permet d’organiser la puissance dramatique du personnage du survivant, sa construction et évidemment sa déconstruction. La relation réalisateur-acteur a joué dans la fabrication du personnage, ils se sont inspirés de la vie et des talents de l’acteur – notamment ses talents de musicien – afin de rendre son personnage plus vrai, plus organique, pour ainsi donner au spectateur une accroche émotionnelle marquante.
Dans l’ensemble le film arrive à tenir ses engagements de film de zombie « psychologique ». Le talent de Anders Danielsen Lie est évident, malheureusement l’acteur norvégien propose par moment un jeu assez approximatif, l’accent de l’acteur n’aidant pas. La solitude du personnage manque par moment de vie, de rythme et de puissance émotionnelle. Le dispositif radical peut dérouter et voire engendrer à terme un peu d’ennui : le faible nombre de dialogues étant un réel défi pour retransmettre l’évolution psychologique du personnage.
Cependant le travail de l’image est intéressant : les teintes froides accentuent joliment l’isolement de Sam et la décrépitude de la ville. La réalisation n’est pas en reste, elle parvient à rendre crédible les zombies qui n’ont rien à envier aux monstres de Walking Dead.
La France a un cinéma de genre, il est impensable de continuer à ignorer la naissance d’une légitimité grandissante. Alexandre Aja a dû s’exiler pour continuer à faire des films avec des budgets satisfaisants, mais aujourd’hui la possibilité de financer davantage de films à l’image de Grave, Les garçons sauvages et La nuit a dévoré le monde existe. Dominique Rocher a certes fait un film sympathique sans être extraordinaire, sa proposition cinématographique est une pierre de plus qui permettra à d’autres de faire des chefs-d’œuvre.