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La Lune de Jupiter de Kornél Mundruczó – Critique

By 27 novembre 2017Critiques
la lune de jupiter
Note de la rédaction :

Après un passage remarqué au Festival de Cannes, La lune de Jupiter s’offre une sortie en salle assez discrète. C’est malheureux, dans la mesure où le film nous offre quelque chose d’inédit. Parler d’une actualité brûlante n’est pas chose aisée. C’est souvent faute de recule que des films aux meilleures intentions s’avèrent finalement maladroits. La lune de Jupiter a quelque chose en plus, qui le sauve : l’intervention du genre teinté d’un brin de poésie.

White Light/White Heat

Un jeune migrant se fait tirer dessus alors qu’il traverse illégalement la frontière. Sous le coup de sa blessure, Aryan découvre qu’il a maintenant le pouvoir de léviter. Jeté dans un camp de réfugiés, il s’en échappe avec l’aide du Dr Stern qui nourrit le projet d’exploiter son extraordinaire secret. Les deux hommes prennent la fuite en quête d’argent et de sécurité, poursuivis par le directeur du camp. Fasciné par l’incroyable don d’Aryan, Stern décide de tout miser sur un monde où les miracles s’achètent.

Son réalisateur, Kornél Mundruczó est habitué au Festival de Cannes : le très beau film White God, et Delta avaient marqué chacun à leur manière la Croisette. Le Hongrois propose avec son sixième film une aventure vertigineuse et innovante. Le titre métaphorique révèle toute l’ambiguïté du projet : La lune de Jupiter n’est d’autre que Europe, le lieu de fuite des migrants. La clairvoyance de la production du réalisateur germano-hongrois peut impressionner, surtout lorsque l’on sait qu’initialement le film devait se dérouler dans le futur. L’actualité a rattrapé le réalisateur, mais cela ne l’a pas empêché à mettre de la distance et à proposer une fiction évitant de tomber dans des débats stériles.

Nous nous concentrerons davantage sur la puissance de l’image en osmose totale avec le scénario. Ce dernier, hors des carcans manichéens, explore la relation complexe entre Aryan et le Dr Stern. Le premier, innocent et porté par l’idée de retrouver son père, se retrouve sous la coupe du second, qui a dans l’idée de se servir de la situation. En évitant soigneusement de trop aborder le contexte, l’équipe du film va privilégier les aspects humains et psychologiques et, en particulier, la relation entre les deux personnages, leurs différences culturelles et linguistiques.

Le fils de l’homme

Abordant cette thématique brûlante avec une approche renouvelant en quelque sorte le genre, La lune de Jupiter introduit une vision nouvelle de l’humanité : les pouvoirs et les miracles permettant assez subtilement de réunir les deux hommes. Kornél Mundruczó prend le contre-pied de ce que l’on pourrait attendre d’une telle histoire : les aspects mystiques prenant certes une part importante dans l’histoire mais, tout comme dans Midnight Sepcial par exemple, servant à humaniser les migrants. En effet, ces derniers étant souvent observés comme une masse fuyant un danger. Au contraire, dans le contexte du film, le pouvoir de lévitation, et son analogie religieuse, remet en question ce sentiment de déshumanisation. Seul petit reproche, cette analogie pourrait lui être reprocher, tant la métaphore se trouve être surexploitée.

Cette analogie est magnifiée grâce au travail de la caméra. Pour celles et ceux qui auront vu le film Les Fils de l’homme, vous retrouverez un travail esthétique similaire. Une image, très souvent jaune et poussiéreuse, avec un économie du cut permettant d’explorer l’environnement grâce à des plans séquences à couper le souffle. La comparaison avec le film d’Alfonso Cuarón s’arrête là, tant la personnalité de l’auteur de White God se ressent avec force dans l’inspiration enivrante qui se dégage de chaque plan d’une beauté pleine d’onirisme. De plus, cette dernière est couplée d’une composition musicale transformant la lévitation d’Aryan en une danse fascinante offrant des mouvements de caméra rarement vus à l’écran.

Périple mystique enrichi par la profondeur des problématiques abordées, La lune de Jupiter est une aventure, un ballet stratosphérique. Le film nous happe, nous aspire, pour nous procurer une expérience à la fois visuelle et humaine. Bénéficiant d’images d’une beauté à couper le souffle, ce film se positionne d’ores-et-déjà comme un grand film. 

Pancake

Jeune scénariste, étudiant à Paris-Sorbonne et éventuellement critique de film

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