Skip to main content

In the Fade – critique du film

By 21 janvier 2018Critiques
in the fade
Note de la rédaction :

Trois semaines avant une semaine cinématographique largement consacrée aux attentats, sort In the Fade, de Fatih Akin, qui aborde également le thème du terrorisme. Alors que Stronger s’annonce porté sur la reconstruction des victimes et Le 15:17 pour Paris sur le courage des héros du Thalys, le réalisateur allemand s’attache lui aux questions du deuil et de la vengeance.

Quelques heures après avoir déposé son fils dans le bureau de son mari pour passer l’après-midi avec une amie, Katja (Diane Kruger) revient sur les lieux et découvre qu’ils ont été tués dans un attentat. Pour elle commence le deuil, que suivront la confrontation avec les terroristes lors d’un procès et le désir de vengeance.

Si on ne peut que souligner le choix de Fatih Akin, qui se démarque de ses homologues américains en refusant de verser dans la mise en avant de valeurs positives telles que la résilience ou le courage pour mieux se concentrer sur la souffrance de Katja et la haine légitime qu’elle voue aux bourreaux de sa famille, force est de constater que le résultat est loin d’être à la hauteur des enjeux.

Un des principaux problèmes du film est tout d’abord qu’il tient, en particulier dans son premier tiers, consacré au deuil, en une accumulation de clichés, dont peu nous sont épargnés. De la dispute familiale sur le sort du corps des défunts aux pleurs de Katja dans les draps de son fils en passant par la découverte étonnante de l‘existence d’une mousson en Allemagne, qui cesse semble-t-il quand survient la saison des procès, sans doute destinée à souligner auprès de ceux qui ne l’auraient pas remarquée la tristesse infinie du personnage incarné par Diane Kruger.

En outre, In the Fade souffre de son manque total de crédibilité, presqu’aucune scène n’apparaissant vraisemblable, et encore moins réaliste. Cela commence par la manière dont Katja apprend l’événement, en étant bloquée par un cordon de police lors de son retour dans la rue où travaille son mari, comme si en 2016, année de déroulement l’intrigue, il était possible en ayant un smartphone de ne pas avoir vent de la survenance d’un tel crime dans sa propre ville autrement qu’en se rendant sur place. Le reste est à l’avenant. Les dialogues entre les personnages dans les semaines qui suivent l’attentat, où à la maladresse engendrée par la détresse et l’impuissance, attendue, se substitue un manque de naturel consternant. Le recours à la drogue comme anesthésiant, dans des proportions qui feraient passer Tony Montana pour un exemple de sobriété. Le procès, expéditif et avec des avocats à la limite du ridicule, qui semble n’avoir pour objectif que de préparer le spectateur à l’acquittement, bien prévisible et largement dévoilé dans la bande-annonce, des terroristes. But qu’il partage manifestement avec une enquête grossièrement bâclée, qui n’a d’autre finalité que celle-ci, au point qu’aucun personnage ne vient s’émouvoir de ses failles pourtant évidentes.

Bien entendu, le caractère fictionnel de l’œuvre impose parfois, pour la qualité de la narration, de s’écarter d’un certain réalisme et nous n’entendons pas ici être pointilleux. Simplement, pour émouvoir, encore faut-il susciter de l’empathie et pour cela porter un récit un tant soit peu crédible, dans lequel le spectateur puisse se projeter, ce que In the Fade échoue totalement à faire. Le seul moment d’émotion est d’ailleurs celui, glaçant, où sont décrites les blessures subies par le petit Rocco lors de l’attentat. Sobre et réaliste, il touche, parenthèse unique dans un film décevant.

A ce scénario peu inspiré et par ailleurs très prévisible s’ajoute une mise en scène guère plus réussie, qui frôle par moments le grotesque. En voyant la pluie qui ne cesse de s’abattre sur Hambourg pour accompagner les larmes de Katja ou cette dernière, le nez dans son pull et le regard dans le vague déclarer à une de ses amies qu’elle souhaite rester seule, on se demande où sont passées les qualités de réalisateurs de Fatih Akin, pourtant si évidentes dans Head-On.

Dernier écueil, le propos du film apparaît peu cohérent : alors qu’un ultime texte vient évoquer les morts des attentats perpétrés par les néo-nazis en Allemagne, à aucun moment In the Fade, qui ne se concentre que sur le personnage de Diane Kruger, ne s’intéresse aux auteurs de l’attentat, à leur histoire ou leurs motivations, qui n’apparaissent pas du tout comme le sujet d’une œuvre qui aurait pu tout à fait avoir le même scénario si les terroristes avaient été islamistes, bouddhistes ou végétaliens.

Au final, In the Fade est un film qui manque cruellement de profondeur, qui n’émeut guère plus qu’il ne convainc de la justesse de son propos et que la bande-annonce suffit à résumer, en mieux.

Ghost Writer

Laissez un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :