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Note de la rédaction :

Note de la rédaction :

De Ben Wheatley on se souvient de Touristes, plutôt anecdotique, et surtout de Kill List, plongée onirique et dérangeante dans un culte violent, aussi réussie qu’originale et inattendue.

Menant à terme un projet également suivi, en parallèle et avant abandon, par Vincenzo Natali, le réalisateur britannique porte cette fois à l’écran une adaptation du roman IGH, de James Graham Ballard, auteur de Crash, adapté par David Cronenberg. Le récit est celui d’habitants d’un immeuble flambant neuf, offrant tout le confort d’une vie moderne et les services de proximité, dont le quotidien va rapidement se dégrader suite à des coupures de courant et incidents techniques.

La première partie du film est très réussie. Suivant le personnage du Docteur Robert Laing, incarné par un Tom Hiddlestone impeccable, le spectateur découvre petit-à-petit l’atmosphère malsaine qui règne au sein de la tour, teintée d’une certaine folie. Celle-ci s’incarne à la fois dans la promiscuité et le manque d’intimité, patent, tant chacun semble au courant de la vie du nouvel arrivant, et dans une forme de manque de pudeur, qui se manifeste notamment dans deux scènes. Une première, où le Docteur est regardé par sa voisine en train de bronzer, nu, sur son balcon, et une seconde de fête chez cette même voisine où le personnage d’Elisabeth Moss prend la main de Robert Laing pour la poser sur son ventre, alors qu’ils viennent de se rencontrer, tandis les convives, ivres, affichent une désinhibition annonciatrice de la décadence à venir. Par ailleurs l’immeuble, sans devenir un personnage à part entière, est bien exploité, même si Ben Wheatley n’utilise pas tout le potentiel de la géométrie de son architecture, qui n’est pas sans évoquer dans ses couleurs, ses ambitions et son recours au béton celle de Le Corbusier.

Dès l’arrivée des premiers incidents qui perturbent le fonctionnement de l’immeuble, le film commence toutefois à se déliter en même temps que la vie des habitants, pour des raisons strictement formelles. Les enjeux du récit, très riche, restent en effet aisément perceptibles ; décadence d’une société fermée, lutte des classes, dans les affrontements entre habitants du bas de la tour, plutôt modestes, et l’aristocratie des étages supérieurs, parabole écologique, de délitement d’une civilisation ayant épuisé ses ressources, critique des utopies de l’architecture moderniste et métaphore religieuse, à travers le personnage de l’architecte, âgé et vêtu de blanc, par l’ambition duquel a été créé le monde dans lequel évoluent les personnages, dont les défaillances entraînent le chaos qui règne dans la tour et dont la mort est perçue comme la condition nécessaire à l’établissement d’un ordre nouveau. Là où Wheatley peine, c’est dans sa capacité à retranscrire ces enjeux de manière formelle et à les faire ressentir. Dans sa volonté de ne pas les oublier, le réalisateur multiplie les effets et les scènes, changeant  à multiples reprises de style, perdant la cohérence qui faisait jusque-là la force de la mise en scène et déroutant le spectateur, qui sort peu-à-peu du récit, dont la narration, moins fluide, ne lui procure alors plus guère d’émotion ou de sensation.

Symbole de cette mécanique grippée, on assiste paradoxalement dans cette seconde partie à une densification du nombre de scènes et dans le même temps à un ralentissement du récit. De même, la folie représentée à l’écran par l’avalanche d’effets n’est pas réellement ressentie.

Il importe néanmoins de souligner l’ambition de Ben Wheatley dans cette adaptation d’un roman aussi riche et le niveau des acteurs, tous très bons dans un casting foisonnant, réunissant notamment Tom Hiddlestone, Elisabeth Moss, Jeremy Irons et Sienna Miller.

On ne peut toutefois que constater qu’High-Rise aurait gagné, surtout dans sa seconde partie, à être plus sobre et plus court, et qu’il reste encore à Wheatley à assoir un véritable style, qui lui permettra de gagner autant en cohérence qu’en force dans sa narration, à l’image de ce qu’il a parfaitement réussi avec Kill List. Néanmoins, reste des images, des idées intéressantes qui font de ce film un bel exercice de style aussi épuisant que brillant.

Si certains ont évoqué Snowpiercer, pour la trame de l’histoire (un lieu clos, une mini-société, un architecte), nous pensons surtout que le film tourne le dos à toutes les conventions du genre et, en cela, regarde davantage du côté du surréalisme tout en abordant des thématiques très ancrée dans le réel. En somme, une belle réussite esthétique.

14
note globale

Fiche technique :

Réalisation : Ben Wheatley
Scénario : Amy Jump, d’après I.G.H. de J. G. Ballard
Acteurs principaux : Tom Hiddleston, Luke Evans, Sienna Miller, Elisabeth Moss, Jeremy Irons
Sociétés de production : Recorded Picture Company
Pays d’origine : Royaume-Uni
Genre : Thriller, Science-fiction
Durée : 112 minutes
Sortie : 6 avril 2016
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