Qu’est-ce que cela fait de se perdre dans la nuit ? After Hours de Martin Scorsese avait en son temps proposé une variation intéressante sur le sujet. Les Frères Safdie ont littéralement dynamité le genre avec Good Time. Critique.
Evacuons d’emblée le sujet qui fâche : Robert Pattinson est une nouvelle fois cette année, après son rôle dans Lost City of Z dans lequel il volait la vedette à Charlie Hunnam, éblouissant dans le rôle de Connie, un braqueur de banque au cœur plus ou moins tendre qui réfléchit décidément trop et mal pour parvenir à s’en sortir.
Tous les aspects de la production de Good Time ont été minutieusement choisis par les Frères Safdie afin de maintenir le spectateur dans un état de stress croissant.
Sur le plan thématique, le film repose sur un postulat relativement simple : un braquage orchestré par deux frères tourne mal et le spectateur est invité à suivre l’étouffante fuite en avant de l’un d’entre eux à travers les bas-fonds de New York. Les Frères Safdie nous plongent alors pendant 1h40 de folie pure dans une ambiance hallucinée en poussant les boutons à fond tant au niveau des couleurs électriques et que d’une bande-son frappadingue et néanmoins géniale.
Si l’histoire ne renie pas son cousinage avec l’After Hours de Martin Scorsese, toute la complexité du film réside dans la relation toxique liant Connie à son frère Nick déficient mental, interprété par Ben Safdie lui-même. Sans pour autant s’attarder sur le background de leur relation si particulière, les Frères Safdie parviennent à rendre palpable l’amour absolu que porte Connie pour son frère. Pourtant cet amour n’a pas fini de vous hanter : loin d’être son souffre-douleur, Nick n’en demeure pas moins indirectement la victime de son frère.
La puissance explosive du film est continuellement alimentée par un combustible : Connie (Robert Pattinson) semble constamment au bord de la rupture tout en essayant de garder une illusoire lucidité forcément étouffée par un monde interlope hallucinant et halluciné.
Encore une fois, la composition radicale de Pattinson est remarquable : Connie qui, on le comprendra très vite, sera prêt à tout pour libérer son frère contrebalance notre première impression sur la relation toxique en présence. D’une certaine manière, Pattinson rappelle le Al Pacino des années 70 (Dog Day Afternoon en particulier). Connie est un personnage crédible mais jamais terre à terre même si nous ne savons presque rien sur son background.
Autre personnage intéressant, Jennifer Jason Leigh campe la compagne plus âgée qui, elle aussi, semble inexplicablement sous la coupe du magnétisme de Connie. Sans oublier les premiers pas de Taliah Webster dans le rôle d’une jeune ado, à la fois manipulée et amusée par le petit jeu de Connie.
Tous ces éléments mis bouts à bout font de Good Time une expérience souvent épuisante mais jamais plombante. Au contraire, non seulement on ne voit jamais le temps passer, mais on plonge littéralement en apnée pour ressortir la tête de l’eau dans un générique de fin absolument bouleversant avec la voix roque d’Iggy Pop en guise de bouée.
Loin du thriller classique ou du film de braquage à l’ancienne, Good Time a quelque chose de plus primitif. Les co-réalisateurs Ben & Josh Safdie font en sorte de sortir des sentiers battus en délivrant une composition plus intense et moins polie à un projet qui pourrait sembler banal sur le papier.
Morceau de bravoure jamais abscons, Good Time offre un écrin au Queens, à New York qui, bien que filmée principalement après le coucher du soleil, se pare de toute sa gloire, parfois sinistre, parfois aux lumières des néons. Le score à la fois sublime et hystérique de Daniel Lopatin (a.k.a. Oneohtrix Point Never), véritable morceau de bravoure à lui tout seul, finit d’enfoncer le clou et fait de ce film un must see de cette rentrée 2017.