Gone Girl est l’adaptation d’un roman écrit par Gillian Flynn et demeure, à ce jour, le scénario idéal pour que se déploie la méticulosité obsessionnelle géniale de David Fincher.
L’histoire en bref
C’est l’histoire d’un couple modèle. Enfin, seulement en apparence… Amy et Nick, l’une héroïne d’une saga jeunesse écrite par ses parents et l’autre journaliste branché, voient leur vie s’assombrir brusquement. Victimes de la crise (Nick perd son job) ils quittent Manhattan pour retourner s’installer dans la ville du Missouri où Nick a grandi. Mais le jour de leur 5ème anniversaire de mariage, Amy disparaît et Nick retrouve leur maison saccagée. L’enquête menée par la police locale met peu à peu en lumière les aspérités de la vie de ce couple parfait. Lors de l’enquête tout semble accuser Nick. Il décide, de son côté, de tout faire pour savoir ce qui est arrivé à Amy et découvre qu’elle lui dissimulait beaucoup de choses.
Qualités :
Scénario / mise en scène
Défauts :
Cynisme / misogynie

David Fincher, auteur à part entière
Le cinéma de David Fincher est étonnant et difficile à cerner. Il a réussi une belle carrière et est considéré par beaucoup comme un auteur, ce qui rappelons-le en passant n’était pas gagné pour le génial « clipeur » du milieu des années 1980. Pour mémoire, il a débuté très jeune en tant que technicien chez ILM sur des films tels que Star Wars, Le Retour du Jedi ou même le deuxième épisode d’Indiana Jones. Par la suite, il réalise des pubs pour Pepsi, Nike ou Levi’s et des clips pour Paula Abdul (!… en passant en cliquant sur le lien vous aurez un aperçu de la plupart de ses contributions dans la pub et la musique) et pour la big star de l’époque : Madonna.
Autant dire que lorsqu’il revient au cinéma en 1990 pour réaliser Alien 3, tout le monde l’attendait au tournant. Le résultat est certes intéressant à plus d’un titre, mais le tournage chaotique (le scénario a été réécrit plusieurs fois en pendant le tournage !) a failli le griller totalement à Hollywood.
Passons sur le reste des années 1990 qui le voient enchaîner deux grands succès cinématographiques (Seven et Fight Club) et un film plus problématique (The Game). Le meilleur de ces trois films, Fight Club, lance ce qui deviendra sa marque de fabrique : la sublimation d’un scénario issu d’un roman à succès.
David Fincher est ce que l’on pourrait appeler un artisan-auteur. Il maîtrise tout de la technique au point d’en faire parfois un peu trop. Comment peut-on dire qu’un artiste en fait trop sur le plan technique, me direz-vous ? Tout simplement, quand un plan est ultra-travaillé, alors qu’il aurait pu être juste sur-travaillé. La nuance ? Quand, dans The Social Network, il tourne un panoramique avec 3 techniciens et 3 caméras RED filmant approximativement la même chose, le tout en 4K. Tout cela pour remonter la scène en synchronisant les 3 plans pour en faire un seul numériquement, j’appelle cela du foutage de gueule quand on compare ce plan fugace avec, tiens par hasard, le plan séquence d’introduction de La Soif du Mal d’Orson Welles ou le plan halluciné de Ténèbres de Dario Argento. À mon avis, si la technique n’est pas indispensable, alors je ne vois pas l’intérêt de l’utiliser.
Mais, il n’en demeure pas moins que David Fincher est un technicien génial et un conteur d’histoires remarquable. Et ce qu’il parviendra à réaliser avec le temps c’est ce mariage indispensable entre la maîtrise technique et la conduite d’une narration intelligente, c’est-à-dire une narration qui sert son discours.
Il a toujours su raconter des histoires, regardez Alien 3 ou Seven, mais ces films parfaits sonnent, à mon sens, un peu creux au deuxième visionnage. Avec l’aide d’auteurs : Chuck Palahniuk pour Fight Club, Robert Graysmith pour Zodiac, Stieg Larsson pour Millenium, Aaron Sorkin et Ben Mezrich pour The Social Network et dernièrement Gillian Flynn pour Gone Girl, David Fincher parvient à imaginer des objets filmiques où la technique et sa science de la narration servent des oeuvres complexes et singulières. Celles-ci sont hétéroclites et contemporaines car magnifiant des pensées d’auteurs de notre temps, mais elles portent toutes la touche personnelle de David Fincher, qui en devient par conséquent un auteur à part entière.
Je ne vois pas Gone Girl comme un thriller. Pour moi c’est un film qui existe à trois niveaux. Ça commence par un mystère, la disparition de cette femme, ensuite ça vire à l’absurde et enfin ça devient une satire du mariage.
David Fincher
Qui a peur de Virginia Woolf ?
Film adapté de la pièce du même nom par Mike Nichols (décédé le 19 novembre 2014) en 1966, Qui a peur de Virginia Wolf raconte l’histoire de George et Martha, un couple de quadragénaires, se déchirant sous les yeux d’un jeune couple. Tout au long du film, c’est un déballage délirant de vérités et de mensonges entre les vieux époux qui va bouleverser le jeune couple. George et Martha, au matin, seuls, se retrouveront encore une fois ensemble. Jusqu’au prochain ouragan.
Gone Girl n’est ni un thriller ni un film avec un mystère à élucider, on comprend rapidement que le sujet du film n’est pas la disparition d’Amy. Le film repose sur la relation étrange qu’entretiennent Amy et Nick. Il traite aussi du choc esthétique et culturel entre deux êtres que tout sépare : l’éducation et la classe sociale en tête. Enfin, il étudie avec minutie la déliquescence d’une relation ternie par les aléas de la vie : ici le retour (toujours problématique quand il est subi) du couple dans les terres natales de Nick.
L’autre versant du drame social se matérialise de façon grand guignolesque lorsque les faux-semblants deviennent de plus en plus difficiles à dissimuler. S’il faut disparaître pour que son mari soit accusé de meurtre, alors pourquoi ne pas pousser le curseur un peu plus loin et se suicider pour être sûre qu’il plonge pour de bon. S’il faut tuer pour parvenir à ses fins, alors il faut que cela saigne comme dans un giallo. S’il faut mentir aux médias pour se conforter à l’image que l’on souhaite donner, alors pourquoi ne pas le faire en direct dans le talk show le plus populaire du moment.
Les faux-semblants de la vie de couple ne sont qu’une partie du sujet traité dans ce film, car tout le monde en prend pour son grade : les médias, bien sûr, mais aussi les voisines un peu faciles à amadouer, les avocats qui utilisent leur extrême bon sens et leur intelligence pour résoudre des affaires futiles, la vacuité de la vie quotidienne où la vie interlope se déploie la nuit dans les méandre d’un centre commercial à l’abandon peuplé par tous les déshérités de la petite ville. La société entière est dépeinte comme un décor de théâtre où tout et son contraire peut être dit sans que cela ne pose de problème à qui que ce soit. Pourquoi ? Car rien n’a d’importance puisque rien, pas même la vie humaine, ne semble intéresser les gens, simples silhouettes désincarnées – comme Nick (ou plutôt Ben Affleck) sortant les poubelles devant l’horrible château de carte qui lui sert de maison – vision cauchemardesque d’une Amérique en plein délire.
L’ouragan gronde et il va saccager bien plus qu’un couple.
Je trouve ta critique très interessante et juste, je n’avais pas réalisé que la plupart des films de David Fincher étaient l’adaptation de romans.
Tes commentaires me donnent envie de revoir le film pour l’apprécier encore plus.
Merci et vivement de nouvelles critiques!
Bonjour Hélène,
Merci pour ton commentaire qui me donne envie de continuer à vous proposer pleins d’autres critiques ! Gone Girl est un film controversé mais qui mérite réellement qu’on s’y penche plusieurs fois 🙂
Merci et à bientôt !
Bpnjour,
Critique très intéressante. J’aime beaucoup Fincher, en règle générale. mais alors là… Quelle déception, je n’ai pas du tout aimé ce film, et je suis très déçue par Fincher. En effet, c’est peu de dire que la deuxième partie tourne au grand guignolesque, mais apparemment c’est assumé, alors… ça va!
Quant à la critique des médias, de la société américaine, soit. Il faut dire qu’un enfant de 5 ans pourrait décrypter les messages de fincher. aucune subttilité, il en fait des tonnes, c’est appuyé à mort des fois qu’on comprendrais pas bien: la méchante est très méchante, la journaliste de Tv très bête et très « Barbie », le pauvre mari s’en prend plein la gueule, ouh! etc etc… Aucune finesse dans le propos. Pour tout dire, j’ai regardé le film sans savoir qui était le réalisateur et je me suis dit à la fin « encore une belle m… hollywodienne ». Alors quand j’ai vu le nom du réalisateur, ben, j’ai pas compris. Et je ne comprends pas non plus le 18/20, mais bon! Tous les goûts sont dans la nature, je suppose. Bref, j’avais failli aller voir ce film au cinéma, et ce soir là j’avais hésité avec « b
Bonjour Solveig,
Je comprends en partie votre point de vue, notamment sur la caricature. Mais ce que j’ai littéralement adoré dans ce film c’est la liberté de ton de Fincher qui réalise 2 films en un : le premier étant un génial polar à la Hitchcock et le deuxième étant une critique totalement hystérique de la société américaine (la partie que vous n’avez pas aimée).
Cette 2ème partie n’est pas si outrée que cela, les médias sont souvent comme cela aux US (d’ailleurs ça arrive en France) et la critique du couple est certes exagérée mais elle nous change de la plupart des films hollywoodiens (je viens de sortir de American Sniper je sais de quoi je parle 😉 ).
Bref, je vous comprends mais je ne trouve pas que ce film s’approche ne serait-ce qu’une seconde d’une « belle m… hollywoodienne » !
Merci pour le com et j’espère à bientôt sur le blog !
Doc.
C’est ce que je dis, tous les goûts sont dans la nature. Je comprend le propos du film mais je trouve que la forme est balourde. J’ai trouvé par exemple « Birdman » et sa critique du monde du spectacle bien plus fin et originale. Je n’ai pas pu terminé mon com, le nombre de caractères étant limités. Je disais donc que j’avais hésité, un soir, entre « Gone girl » et « Bande de filles », j’ai choisi le dernier, heureusement. Allez, je m’en vais lire la critique de Birdman laissée sur ce site.
A bientôt.