À l’occasion de la sortie en DVD de Extraordinary Tales, nous nous sommes plongés à nouveau dans le monde d’Edgar Allan Poe. Nous sommes nombreux à avoir lu les Histoires Extraordinaires (Extraordinary Tales) adolescents et, souvent, il n’en reste pas grand chose à part le souvenir d’un univers mystérieux, tantôt onirique, tantôt effrayant, toujours pertinent. L’adaptation qui en est faite aujourd’hui avec ces cinq court-métrages d’animation rend hommage à l’univers de l’auteur tout en apportant un discours presque meta sur les névroses de l’auteur. Critique du DVD.
Tout d’abord saluons le travail de Raul Garcia qui a choisit d’adapter cinq nouvelles, certes très connues, qui permettent chacune d’avoir un bon aperçu du travail de Poe dans le domaine de l’horreur-fantastique : La Chute de la maison Usher ; Le cœur révélateur ; La vérité sur le cas de M. Valdemar ; Le masque de la Mort Rouge ; Le puits et le pendule.
L’idée géniale de Raul Garcia et de son équipe est d’adapter ces cinq histoires en créant cinq univers graphiques très différents, reflétant à merveille la diversité et la complexité de l’univers d’Edgar Allan Poe. Ainsi, les styles et techniques d’animation varient pour chaque récit, afin d’illustrer fidèlement les aventures des personnages issus de l’esprit torturé du romancier :
- La Chute de la maison Usher : un univers graphique néo-gothique, onirique et fantastique avec quelques effets réussis ;
- Le cœur révélateur : un style très arty, moderne et dépouillé : une énorme réussite mettant en valeur la folie du narrateur et la voix de l’immense Bela Lugosi avec les crépitements qui vont avec puisqu’il s’agit d’un document d’archive (savoureux !) ;
- La vérité sur le cas de M. Valdemar : un style plus pictural et rétro mettant en exergue le côté presque rétrofuturiste de l’histoire (la croyance absolue en la science contrebalance le fantastique assumé) ;
- Le masque de la Mort Rouge : un style encore une fois très pictural avec des influences néo-romantiques voire moderne ;
- Le puits et le pendule : un univers complètement différent, toujours pictural mais volontairement ultra-réaliste avec des touches de romantisme dans le choix de l’éclairage.
L’immense réussite de cette collection repose à la fois sur ce choix audacieux de proposer cinq univers très différents pour chaque récit. Ces univers reposent sur un graphisme à l’identité très prononcée, le tout reposant également sur cinq partitions elles-mêmes très marquée. Pour couronner le tout, les cinq histoires bénéficient de cinq conteurs de luxe, je vous laisse en juger : Christopher Lee, Bela Lugosi (Dracula himself), Julian Sands (Le Festin nu, Leaving Las Vegas Millénium : Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes…), Roger Corman (oui, le fameux producteur-réalisateur roi des films indépendants) et Guillermo del Toro !
Bref, que du lourd ! Seule l’histoire intitulée Le Masque de la Mort Rouge, avant-dernier segment du film ne dispose pas de narrateur, la narration reposant uniquement sur les images et l’évidence quasi mystique du propos. Une belle réussite.
Un autre point positif est le choix de proposer de courtes transitions entre les différents segments en utilisant une mini-histoire reposant sur un dialogue entre Edgar Poe lui-même, représenté par un corbeau, et la Mort. Non seulement ces transitions font le job, mais en plus cela permet de mettre en lumière les liens qu’il y a entre chaque histoire et la vie personnelle de l’auteur et de ses démons. Très réussi également.
Bien sûr, on peut regretter que l’adaptation soit un brin littérale et parfois linéaire, en même temps, le choix d’utiliser un narrateur magnifiant le texte est également un parti-pris intéressant et, bien entendu, on ne va pas demander à Bela Lugosi de ré-enregistrer son texte…
Mais, il est rare de voir un film d’animation aussi ambitieux sur la forme et le fond, donc on ne peut que vous inciter à voir cette superbe adaptation des Histoires Extraordinaires.