Il est encore temps de faire le bilan cinématographique de l’année 2014, alors voici le film préféré de Mr Ciné. Il s’agit de Deux jours, une nuit des frères Dardenne.
Le cinéma des frères Dardenne
Le cinéma des Dardenne évolue. Et les éternelles questions à leur sujet se sont définitivement envolées avec ce dernier long-métrage. Non, leur cinéma ne se résume pas à la question de la caméra à l’épaule – leur grammaire s’est complexifiée, il y a bien plus d’inventivité, de subtilité dans la mise en scène qu’à leur début. Et non, ils ne sont pas seulement d’excellents scénaristes (2 Palmes, un prix du scénario à Cannes), embarrassés au moment de traduire leurs idées à l’écran.
Pour autant un film des frangins reste identifiable, presque en un clin d’œil : film social, austère diront les plus sceptiques, encore dans une triste banlieue belge, il y a comme une esthétique du réel qui colle à leurs fictions. Deux jours, une nuit n’échappe pas à cette envie de flirter avec le documentaire, de raconter au plus près des faits.

L’histoire en bref
La grande idée de départ, on la connaît c’est ce pitch furieusement actuel : Sonia (Marion Cotillard, pour une fois excellente, on se pince pour y croire) qui revient de congé maladie se retrouve face à un dilemme qui n’en pas un : sa compagnie doit faire des économies, ce sera son poste ou la prime de fin d’année de tout le monde (1000€). Aussi doit-elle défendre ses dernières chances en faisant du porte-à-porte auprès des collègues, le temps d’un week-end sous haute-tension.
La précision des frères Dardenne
Là où l’histoire se prêterait assez facilement à un récit linéaire (quelques-uns disent oui, d’autres disent non, final dramatique dans les dernières minutes), et des idées par trop faciles (l’argent contre l’humain) les Dardenne montrent leur talent à brouiller les pistes et cassent plusieurs fois la trame trop convenue. Surtout, ils utilisent le langage des corps, des cadrages précis, qui anticipent sur les réponses des collègues. Tout est dans l’image, devant nous, avant que les mots ne soient articulés, comme dans les meilleurs films muets. La réalisation ne s’attarde pas, ne cherche pas à faire du beau, des couchers de soleil ou des ralentis, ne sature pas le film de musique. On se concentre sur ses personnages, remarquablement écrits (voir le soin apporté aux seconds rôles).
C’est dans le paradoxe qu’excellent les Dardenne : Sonia replongera dans la dépression pour se sentir plus forte que jamais, parle de rupture quand son mari la soutient, n’est jamais aussi entourée que lorsqu’elle est seule.
Deux jours, une nuit est un film dur mais jamais froid, glaçant dans son constat cynique de la vie de l’entreprise mais humain et optimiste, ce qui tient de la gageure. Qui parvient encore en 2015 à faire des films positifs sans sombrer dans la niaiserie ou la démagogie ? Jean-Pierre et Luc Dardenne nous prouvent que c’est encore possible.