Skip to main content

Corps et âmes – Critique

By 23 octobre 2017Critiques
corps et ame
Note de la rédaction :

Premier film après 17 ans d’absence au cinéma (son précédent long-métrage, Simon le Mage, est sorti en 1999), Corps et Âme signe le retour de l’univers réaliste mâtiné de magie d’Ildikó Enyedi. Elle est présente à l’avant première organisée par l’ARP (société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs) au Cinéma des Cinéastes. Elle se présente brièvement avant de sortir de la salle, trop angoissée pour voir le public réagir en direct. Elle nous dira plus tard que lorsqu’elle se promène dans la rue, elle ne voit pas des passants, des visages anonymes et sans intérêt. Elle voit au contraire un vertige de sensations, d’histoires, de passions et de désespoirs.

Corps et âme raconte l’histoire d’Endre et de Mária. Deux êtres timides, des inadaptés. Une femme, visiblement atteinte du syndrome d’Asperger d’un côté, et affublée de toute sorte de bizarreries, parfois drôle, parfois tragiques, parfois attendrissante (Par ailleurs le public réagit souvent par le rire à ces curiosités, prouvant ainsi tristement mais très concrètement le rejet dont est victime cette femme). Elle est interprété par Alexandra Borbély, une actrice que la réalisatrice nous révèle être en réalité très différente, « très sexy, très physique, au regard habité ». Ici, pourtant, le vide. « Elle a fait disparaître tout le savoir de sexualité de ses yeux ». De l’autre côté, un homme visiblement divorcé, ayant perdu l’usage d’un de ses bras, et qui en rentrant chez lui le soir passe sans faillir dans une supérette où il achète ses canettes de bière (« – Deux ? – Bien sûr… »). Il traverse la vie sans en attendre beaucoup.

À la suite d’un rêve, qu’ils découvrent avoir en commun, leur vie se voit bouleversée, doucement, progressivement. Elle est une biche, lui est un cerf. Ils se retrouvent la nuit d’abord, dans leurs songes. Puis, ils décident de voir à quoi tout ça peut mener dans la vraie vie. Pour la réalisatrice, ce sont des adolescents, des êtres qui se découvrent. Cette quête soi déclenche chez les personnages, Mária notamment, une découverte de sensations, qui est pour le spectateur l’occasion d’une redécouverte, à travers une caméra qui capte tout, effleure chaque parcelle de peau, de bois, d’herbe. Les inserts s’additionnent, comme dans une étude méthodique d’un corps. C’est une image physique, sensorielle, dans laquelle la matière est presque palpable. L’hyper réalisme apparent des premières minutes s’entremêle avec une forme de magie onirique, de moments suspendus. Dans les tonalités aussi, le film pratique un plaisant mélange. La comédie affleure dans les moments les plus tragiques, toujours dans une ambiance de réalité densifiée, plus intense.

À cette histoire d’amour toute en retenue, très nordique dans son ambiance – Elle rappelle les récits du cinéaste finlandais Aki Kaurismäki, par exemple, et ces amours étranges et silencieux qui prennent vie au milieu du désespoir – se mêle aussi un propos écologique. Après avoir été introduit au film par le couple de cervidés, dans un bois enneigé, le spectateur se retrouve projeté dans la réalité à travers les yeux d’une vache. Il voit les jambes fatiguées, couvertes de boue et d’excréments, il voit les hommes, au delà des barrières, qui discutent, et il voit finalement le soleil, comme le futur couple, dernier soleil que verra la vache avant d’être tuée, dans cet abattoir qui sert de décors à une bonne partie du film. Cette mise à égalité entre règne animal et monde des hommes, dès les premières minutes, laisse place aux images froides, à l’aspect documentaire, de la découpe de l’animal, qui provoque de nombreuses sorties chez le public.

Malheureusement, cette direction positivement troublante disparait assez rapidement du récit, pour laisser place à l’histoire d’Endre et Mária, sans que l’on ne sache réellement pourquoi ces images étaient là. À moins que celle-ci ne soient une déclinaison supplémentaire de la fragilité distillé dans un film sensible, à l’image de sa réalisatrice, un film qui observe ses personnages, les ausculte, les caresse presque, dans un élan tendre et bienveillant.

Delarge

J’aime rappeler l’héritage des trésors qui façonnent encore aujourd’hui le cinéma, et en amateur de contre-culture et de psychédélisme qui fleure bon les 60-70’s, je révère bien sûr particulièrement le Nouvel Hollywood, et tous ses rejetons.

Laissez un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :