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Événement ! Doc Ciné s’est invité à la Masterclass donnée par Paul Verhoeven à la cinémathèque de Vienne, l’occasion de revenir sur la carrière du célèbre dynamiteur batave, l’homme qui fait exploser les films de l’intérieur. 77 ans mais toutes ses dents, bronzé et musclé comme un athlète, il a signé quelques autographes devant les caméras avant de s’installer au micro, détendu, et de parler près de deux heures sur sa jeunesse, Hollywood, les studios, son retour en Europe… Extraits.

Avant le cinéma :

« J’ai grandi dans une ville occupée, Amsterdam sous le régime Nazi, je me souviens des bombes la nuit, j’avais 3 ou 4 ans, ça marque à cet âge ! Ensuite les comic books vers 8-10 ans. Je me suis essayé à la peinture à l’adolescence – j’adorais Dali ! L’année de mes 17 ans mon père m’a envoyé en France pour apprendre la langue et élargir mon horizon. C’est là que j’ai découvert qu’il existait autre chose que les séries B américaines. Godard, Truffaut, Resnais ont été autant de révélations. Je suis rentré au pays et ai terminé mes études : physique et mathématiques jusqu’au doctorat. Mon père m’avait fait comprendre que cinéaste n’était pas un vrai métier. »

Des débuts inattendus :

« Et puis j’ai été convoqué pour mon service, dans les années 1950. Les choses se sont faîtes un peu par hasard, on m’a demandé de réaliser un petit film pour les militaires, en réalité un film de propagande de près de 30 minutes (qui me servira d’ailleurs des années plus tard pour certaines scènes de Starship Troopers, en particulier l’ouverture du film). Je n’avais pas une grande expérience mais je m’en suis sorti et en revenant à la vie civile je n’avais plus qu’une idée en tête : abandonner les maths et devenir réalisateur ! Je sentais que je pouvais faire bien mieux avec un peu d’argent et de liberté. »

Le départ pour Hollywood :

« On me pose souvent la question, mais en réalité je devais simplement partir pour pouvoir continuer ma carrière. Je n’avais pas tellement le choix. J’avais fait des films avec une certaine liberté de ton que beaucoup considéraient alors comme des films de gauchiste. Le gouvernement finançait alors 90% des productions nationales via une commission qui avait vraiment une dent contre moi. En plus je commençais à connaître pas mal de succès ce qui me rendait encore plus suspect. Ils ont fermé le robinet. J’ai compris après la sortie du « Quatrième homme » que je ne pourrai plus faire de film en Hollande. »

« Robocop » :

« Je suis passé à côté la première fois en lisant le script, j’allais refuser de le faire. C’est ma femme qui m’a fait remarquer l’intérêt de ce matériau, le potentiel. On parle de moi comme un cinéaste de genre mais en Amérique j’ai pris ce qui venait. Au moment de Robocop on venait de s’installer à Los Angeles alors que j’avais gardé un pied en Hollande lorsque je réalisais De chair et de sang. Mon anglais n’était pas encore très bon. J’avais 16 millions de budget ce qui n’était pas énorme non plus, même à l’époque. J’ai fait les films qu’on me proposait et Robocop me plaisait aussi parce qu’il me rappelait toutes ces bandes dessinées de super héros que je lisais gamin. J’avais l’impression de rester fidèle à moi-même en le faisant. »

« Basic Instinct » :

« C’est le meilleur script que j’ai reçu de ma vie, c’était une perfection. Un néo-noir avec un côté Hitchcockien assez marqué. Quand je travaille sur un film j’essaie de faire confiance à mon chef opérateur, à mon assistant et à toute l’équipe, je délègue beaucoup. J’ai toujours peur de donner trop d’instructions et de castrer la créativité des gens autour de moi. Donc pour la musique de « Basic Instinct » je suis allé voir Jerry Goldsmith en lui parlant bien sûr de Bernard Herrmann mais sans lui faire écouter spécifiquement de musique de film. J’ai choisi à la place un morceau de Stravinsky, je voulais des instruments à cordes bien sûr mais je l’ai laissé travailler. Le film était terminé, Goldsmith l’a vu en entier avec juste les dialogues puis il a composé cette excellent musique qu’il a appelée le coeur du film : il avait exactement compris ce dont j’avais besoin. »

« Starship Troopers » :

« J’ai eu un peu de chance sur Starship Troopers parce que le film était produit par Sony et il y avait pas mal de grabuge à cette époque-là chez eux. Le manager changeait tous les trois mois. Le projet repassait de mains en mains, et personne ne prenait tout à fait le temps de suivre concrètement mon bébé. S’ils avaient regardé ça de près j’étais cuit. C’est insensé de faire un film aussi personnel avec autant d’argent. Après on m’a proposé de réaliser une suite, comme pour Basic Instinct mais je ne comprends vraiment pas l’intérêt. Faire un film est une aventure, avec des incertitudes, la peut au ventre, mais quand tu as déjà résolu toutes les énigmes, toutes les difficultés d’un projet, pourquoi reprendre la recette et l’appliquer ? Le charme est rompu. Oui, bon, ils m’auraient payé trois fois plus mais bon… »

Hollywood aujourd’hui :

« Il y a vraiment quelque chose qui est mort au début des années 2000 je dirais. L’obsession actuelle pour le divertissement à tout prix est grotesque. J’ai quitté ce milieu pour pouvoir continuer à faire des films plus personnels mais mes anciens collègues qui sont restés sur place continuent et sont vraiment déprimés mais les projets sur lesquels ils travaillent. De temps en temps, une perle sort quand même de tout ce marasme. Vous avez vu The Big Short par exemple ? Je comprends pas pourquoi ce film n’a pas gagné l’Oscar ?! »

Étienne

Né en 1982, journaliste de formation. Je vis à l'étranger depuis 2008. J'ai travaillé pour 5 magazines et 2 émissions de télévision. Je cherche obstinément un cinéma à la marge, qui aurait un langage propre. Le cinéma expérimental et l'art contemporain m'attirent particulièrement.

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