Quand la Grande Histoire rencontre une équipe de bras cassés, il n’est pas rare que cela donne du Grand n’importe quoi. Si on songe sincèrement à créer la rubrique facepalm en écrivant ces quelques lignes, on vous propose tout de même de lire cette critique de Churchill, film réalisé par Jonathan Teplitzky.
La mode des biopics dans lesquels on raconte la vie d’une célébrité à travers l’évocation d’un moment précis de son existence a encore fait une victime.
Churchill retrace en effet les six jours qui ont précédé le Débarquement en Normandie de juin 1944. Suivant à la trace un Churchill à mille lieues de l’image du héros de guerre que l’on connait tous, le film nous propose de plonger la tête la première dans les méandres des préparatifs du D-DAY. Résultat : un plat monumental dans la mare saumâtre que représente cette somme de moments anecdotiques prenant pour prétexte de « dévoiler » un aspect méconnu de l’Opération Overlord, le nom de code de la Bataille de Normandie.
Sujet à maintes fois abordé au cinéma dans ses aspects les plus épiques (de Saving Private Ryan en passant par Le Jour le plus long), le Débarquement est ici traité à travers le regard des Grands Hommes, mais attention le parti-pris est total n’espérez pas voir l’ombre d’un casque allemand. Bien entendu, inutile de vous préciser que le bas peuple n’a pas le droit au chapitre dans ce film, puisque seule la secrétaire de Churchill aura le droit à quelques lignes de dialogue. Ici, il est question de la Grrrrande Histoire Mesdames et Messieurs : vous pourrez assister à des scènes entre le Général Eisenhower, le Premier Ministre Churchill, le Maréchal Montgomery ou même le roi George VI !
Mais contrairement à ce que l’on aurait pu espérer, l’ambition du film s’arrête là : n’espérez pas vibrer en assistant à de belles joutes verbales entre Eisenhower et Churchill. Ce qui semble davantage intéresser la scénariste du film, Alex von Tunzelmann, c’est à notre grande surprise (mais pourquoi pas après tout) de déboulonner la statue du héros de guerre. Si cet aspect du scénario est tout sauf inintéressant, le traitement du personnage est tellement grossier qu’il en devient risible. Churchill est ici dépeint comme un homme vieilli, presque sénile, orgueilleux, vaniteux et tout sauf complexe.
Si l’on comprend assez rapidement, tant plusieurs lignes de dialogues balourdes ne cessent de nous le rappeler, les raisons qui expliquent son refus catégorique de voir ses troupes participer au Débarquement, on aurait souhaité plus de subtilité. On s’étonne même que le scénario n’offre pas plus de moments de respiration à un personnage constamment dans le déni. Refusant de voir que tout le monde autour de lui a cessé de l’écouter, Churchill ne peut s’empêcher de réagir avec médiocrité, tel un politicard sans envergure qu’il n’était probablement pas.
Bien sûr, Churchill refuse le sacrifice de jeunes gens innocents, ce qui l’honore, mais il semble surtout réagir par vanité. On en vient même à se demander si le sous-texte du film n’est pas d’insinuer qu’il se serait opposé au Débarquement pour en quelque sorte empêcher la réussite d’un plan qui n’a pas été imaginé et mis en oeuvre par lui-même. Eisenhower (joué par l’excellent John Slattery, le Roger Sterling de Mad Men) et Montgomery ont beau lui rappeler que le sacrifice d’innocents est, en quelque sorte, l’un des fondements de la guerre et du prix à payer pour la victoire, Churchill semble s’obstiner à réagir en vieillard gâté et gâteux.
Si Churchill est interprété par un Brian Cox passable mais ne tenant pas la comparaison si l’on songe aux autres grands acteurs qui ont su incarner récemment de grands personnages historiques, le reste du cast fait le job.
Desservi par une mise en scène aussi subtile qu’un défilé militaire en Corée du Nord, Churchill pâti autant de sa forme que de son fond problématique voire manichéen. Film qui aurait pu se transformer en or tant le sujet, au demeurant passionnant, aurait mérité un scénariste plus expérimenté et une mise en scène à la hauteur (on pense à ce qu’aurait pu donner ce film réalisé par un Spielberg…), Churchill se transforme en plomb. Serait-ce le premier film à concourir dans notre future catégorie des facepalm awards ? Cela m’en a tout l’air…