Après deux films qui étaient loin des standards élevés de Pixar, Cars 3 – s’appuyant enfin sur une histoire plus profonde et émouvante – se révèle à la surprise générale être largement le meilleur de la série et l’un des meilleurs Pixar à ce jour. Critique.
Une saga cherchant son identité
Malgré son relatif déficit de notoriété auprès du grand public, tant elle est surclassée par l’autre grande trilogie Pixar, Toy Story, Cars est bel et bien la deuxième série à bénéficier d’une trilogie. Pourtant, Cars a toujours été le sujet de nombreux débats auprès de la frange la plus hardcore des fans de Pixar : certains y voyant la quintessence de ce que la firme fait de mieux en termes de récit sur le passage à l’âge adulte (LE thème de Pixar par excellence) et d’autres une simple machine à recycler, sans réel prise de risque.
Une chose est sûre, avec Cars, John Lasseter et son équipe se sont attaqués au rêve ultime de tout américain : sa voiture. Et pourtant, si le merchandising se porte à merveille, en faisant l’une des marques les plus lucratives de l’histoire du cinéma, la série peine à convaincre les cinéphiles. Il y a quelque chose qui ne fonctionnait pas totalement jusqu’à présent dans la saga Cars. Pour un studio misant tout sur son savoir-faire presque artisanal, la mythologie de Cars reposant sur le diptyque americana et hand-craft aurait dû faire davantage corps avec l’esprit Pixar. Or il n’en est rien : la saga était jusqu’alors bien trop lisse et conventionnelle au regard des ambitions supportés par ces thématiques.
D’où sans doute cette impression de flou qui se dégage de cette saga dont les personnages et le fil conducteur de l’intrigue nous paraîssent bien loin d’une mythologie qui se voudrait universelle comme dans les autres grandes sagas de Pixar : le passage à l’âge adulte dans Toy Story et Monsters Inc et la filiation dans Le Monde de Nemo. C’est pourquoi, malgré l’existence d’une trilogie, il n’y a jamais vraiment eu de ligne directrice reliant l’intrigue des deux premiers films.
Si le premier Cars s’avère être un film de course automobile, avec tout ce qui va avec (un héros en devenir, un mentor rude à la Mickey dans Rocky et un casting de personnages hauts en couleurs) avec Cars 2, étrangement, Pixar a développé une sorte de film d’espionnage hybride qui a fait de l’improbable Mater le personnage principal.
Une mythologie enfin trouvée
Ne nous voilons pas la face, l’intérêt du premier Cars était de revisiter la mythologie de Rocky et de la transposer dans l’univers de la course de voitures – univers ô combien américain ! Heureusement, avec Cars 3 Pixar a pris la sage décision de rectifier le tir et de proposer une sorte d’oeuvre somme magnifiant la fois tout ce qu’il y avait de meilleur dans la saga tout en proposant une relecture moderne et maline de la saga Rocky.
Tout d’abord, nous avons le plaisir de retrouver l’immense Flash McQueen, joué avec plus d’enthousiasme que jamais par Owen Wilson, au sommet de son jeu. Ce dernier est au sommet de sa carrière et gagne course après course, ce qui finit de rallumer cette vieille étincelle qui faisait le sel du premier film. Cependant, il ne sait pas encore que le sommet rime immanquablement avec les prémices de l’échec. En effet, une nouvelle génération de bolides menés par l’impressionnant Jackson Storm est sur le point de casser la baraque. Leur force ? Ils bénéficient des nouvelles technologies d’entraînement (comme Drago dans Rocky 4) et ont su perfectionner leur science de la course en optimisant chacune de leurs sorties. En somme : ils sont plus puissants tout en déployant moins d’efforts pendant les courses. Les résultats ne se font pas attendre et ils finissent par truster toutes les places en course mettant de force à la retraite l’ancienne génération de voiture dont les méthodes d’entraînement sont trop « artisanales ».
C’est à ce moment que Cars 3 devient réellement original et poignant. Perdu, dépouillé de ses couleurs et obligé de se retirer, McQueen revient à Radiator Springs, où Doc Hudson, son mentor, avait fait de lui une légende. A l’image de Rocky Balboa et de Creed, les scénaristes de Pixar ont eu l’idée géniale de redéployer l’intrigue destinée à la fois à symboliser la remise en question du héros et le retour de la série sur ses racines.
Pour battre Storm, Lightning voyage à travers le pays, essayant d’apprendre à nouveau et de redécouvrir ce qui faisait les spécificités de son talent. Est-ce que son talent a disparu avec l’arrivée de la nouvelle génération de voitures ? Est-ce que son savoir-faire ne repose que dans sa puissance mécanique ? Dans cette quête de sens et de sagesse, il est accompagné par Cruz Ramirez, son entraîneur, une voiture de nouvelle génération à l’esprit fantasque mais qui a le rêve secret (et réprimé) d’être elle aussi un coureur professionnel.
La relation de Ramirez et de McQueen sera très intéressante : à l’opposé l’un de l’autre, ils parviendront à se comprendre lorsque McQueen dépassera ses idées reçues et s’apercevra du talent de Ramirez.
Entre Rocky Balboa et Creed
Si les enjeux du film sont clairs, le héros du début ne sera, à la surprise générale, pas à proprement parler le même à la fin : nous assisteront dans les dernières lignes droites à l’éclosion d’un nouveau champion. Ce qui nous changera en passant des films où les héros sont toujours des hommes…
Néanmoins, ne nous leurrons pas, McQueen est réellement le personnage qui fera le plus de travail sur lui-même dans Cars 3. Dépassé, surclassé par Storm, il se reconnaît pourtant en lui. Il voit son arrogance qui n’est pas si éloignée de ce que lui-même était avant de rencontrer Doc. Grâce à ce voyage initiatique, il reprend pied : personne ne dit à Lightning McQueen de prendre sa retraite. Ce sera toujours lui qui choisira.
Remixant à la fois Rocky Balboa en décrivant avec une réelle pertinence les héros qui doivent se réinventer et Creed pour tenter de comprendre ce qui se passe dans la tête des protagonistes lors d’un passage de témoin ressemblant par la force des choses à une première mort, Cars 3 est aussi un film sur l’une des plus belles sagas du cinéma.
Et puisqu’il s’agira de voir en l’autre autre chose que le miroir de ses propres échecs, ce film est aussi une belle leçon de vie.
Ainsi, Pixar tient enfin avec Cars 3 un film reposant sur ses deux pattes : une histoire universelle et sociologique, pouvant s’apparenter à un conte moderne, ce qu’ils ont toujours très bien fait, et un film sur le cinéma où l’attrait des légendes devient un enjeu scénaristique dépassant la simple référence nostalgique.
Cars 3 est pour toutes ces raisons ce que Pixar a fait de meilleur. Tout comme son héros, il parvient sans difficulté à se hisser tout en haut du panthéon du cinéma moderne en réussissant à se réinventer.
Réalisateur : Brian Fee
Distribution : Owen Wilson, Larry the Cable Guy, Bonnie Hunt, PLUS
Scénario : Bob Peterson, Mike Rich, Kiel Murray
D’après l’œuvre originale de : Brian Fee, Eyal Podell, Ben Queen, Jonathon E. Stewart