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BORG MCENROE
Note de la rédaction :

Batman V Superman, Freddy vs Jason, Son Goku contre Freezer. La fiction a généré des affrontements démesurés. Des duels titanesques où chaque opposant a dû user de tout son talent pour venir à bout de son adversaire. De la violence, des cris, des larmes. Des émotions pures, un événement solennel et une tension de tous les instants. Ces affrontements sont légendaires car ils parviennent à capturer l’essence d’un duel réel. Alors quand la fiction s’attaque à retranscrire l’un des plus beau duel sportif du 20ème siècle, quel chemin emprunte-t-elle ? 

En 1980, le suédois Bjön Borg est au firmament. Il est le numéro 1 du tennis et a déjà remporté 4 tournois de Wimbledon. Il s’apprête à en gagner un 5ème. La presse en a fait sa coqueluche reconnaissant qu’il est l’un des plus grands athlètes de l’Histoire. C’est alors que débarque un jeune loup, dévorant tout sur son passage. Un américain arrogant et geignard. Le juvénile John McEnroe se place en outisder dans ce duel qui lui semble perdu d’avance. Pourtant, il est bien décidé à remporter le titre face à son idole. 

Service

Le biopic est un véritable défi au cinéma. L’histoire pouvant être retracée très rapidement par n’importe quel curieux sur Internet. Le médium et les outils propres à l’écriture cinématographique sont içi fragilisées. L’issue du récit ne devenant pas une satisfaction pour le spectateur. Pour susciter l’intérêt de son audience, il faut choisir un angle d’attaque spécifique. Donnant ainsi de l’originalité au script.

Et l’angle choisi par le scénariste Ronnie Sandhal est d’étudier la personnalité d’un seul des noms présents sur l’affiche. Longuement, en se penchant sur les aspects de son histoire personnelle pour mieux dépeindre son caractère et son style en tant que joueur. Ce portrait questionne judicieusement le rapport à l’élitisme. Les moyens pour y parvenir, comment le rester et les sacrifices qu’il coûte. Le script pioche ainsi à bonne intervalle dans le passé de Borg pour justifier ses choix. Brisant au fil du récit la glace qui semble le recouvrir au premier regard. Ce portrait manque cependant d’audace. Beaucoup de séquences semblent se contenter du minium pour délivrer une information plus qu’une concrète émotion.  Ce n’est que passé la première heure de métrage et l’amorçage du duel que le script prend enfin son envol. Une écriture en filigrane se dessine alors. Posant sur la table la plus grande crainte dans la carrière d’un sportif: Comment faire face à la vieillesse ? Suis-je en mesure de me créer un héritier ?

Sur la ligne

C’est par ces interrogations que l’on s’intéresse à McEnroe. Car il est précisément aux balbutiements de sa carrière. C’est de cette jeunesse que lui vient son impulsivité, comportement jusqu’alors jamais vu sur un terrain de tennis. Le scénario s’offre aussi quelques flashbacks afin de présenter les failles du joueur, cependant ils sont à fréquence plus éloignée que pour son adversaire. Ils servent de maigre terreau d’affect pour le spectateur. Hormis ces quelques retours dans le passé, McEnroe est un personnage impulsif qui ne se dévoile pas au long du récit. C’est uniquement par le prisme du duel et donc de Borg qu’il nous est présenté. Ce point de vue peine à faire exister McEnroe. Forçant le spectateur à s’attacher ou détester le joueur qui a le plus de temps d’écran à savoir Iceborg.

Une construction par projection qui trouve pourtant quelques moments de grâce. Le script s’offrant l’occasion de créer des miroirs entre les deux héros. Voulant laisser au spectateur le choix pour trouver son champion. Mais au regard du déséquilibre qu’il installe dans le duel final, la tentative échoue.

 

Just do It

Pour mettre en scène ce duel de titan, le réalisateur Janus Metz Pedersen opte pour le minimalisme. Peu d’effets stylistiques trop vulgaires ou un montage trop découpé. Le film insiste avec beaucoup d’aisance sur l’ambivalence de ses protagonistes. Jonglant ainsi entre les deux facettes des personnages. Ils sont athlétiques et charismatiques lors des matchs, conférences de presse et autre sorties professionnelles. Puis lorsqu’ils sont dans leurs quotidiens, ils sont filmés de manière beaucoup plus familière. Pour cela, le réalisateur manipule la profondeur de champ en permanence pour nous montrer les introspections des personnages.

L’aspect visuel du film brille également de ces choix mesurés. L’étalonnage désaturée participe pleinement à l’ambiance 80’s sans pour autant en faire un objet rétro-actuel. Ce travail soigné s’ajoute à une photographie très léchée. Jouant énormément sur les ombres et la lumière écrasante du soleil, travaillant à l’ambivalence souligné par la mise en scène. De plus, le film semble constamment baigner dans la fumée. Donnant à l’image un aspect poussiéreux réussi. Le réalisateur montre qu’il s’est approprié ce souvenir historique et s’oppose ainsi à porter un regard nostalgique dessus.

Toujours porté par ce dosage minutieux, la direction artistique esquive les clichés. Ainsi, on trouve ce qu’il faut de scintillants mulets, joggings kitschs et autres joyeusetés de l’époque. Pourtant, le réalisateur n’insiste pas sur cet aspect qui appartient à la diégèse du film. Comme pour sa réalisation, il fait du film une reconstitution proche de la vérité et non une diffraction nostalgique. Autre point fort, la bande originale n’est pas une compilation de morceaux de l’époque. Au contraire, nous avons une très maigre playlist. Cette sélection préserve ainsi l’isolement vécue par les joueurs et concentre le spectateur sur le match.

Balle de match

Enfin, le réalisateur maîtrise parfaitement le rythme de son duel final. Si les premières séquences de matchs s’alignent sur l’académisme du script, l’affrontement final est traité avec beaucoup plus de panache. Tous les éléments cinématographiques sont mis à son service. Le montage construit une tension intense, notamment lors des derniers sets. Naviguant entre les deux protagonistes mais aussi leurs proches, il synthétise l’enjeu humain que constitue la rencontre. Cependant, il use parfois de morceaux de flashbacks afin de susciter le pathos. Pourtant, l’épilogue de ce duel fait l’effet d’un véritable soulagement grâce à l’alliance de plans solidement composés et d’un montage intelligemment construit.

En ce qui concerne les acteurs, Shia LaBeouf et Sverrir Gudnason excellent tous les deux dans leurs rôles respectifs. La réalité rattrapant parfois la fiction, notamment pour LaBeouf. L’investissement des comédiens est complet et leurs incarnations sont solides. Notamment sur le terrain, où chacun est parvenu à s’approprier le style des deux légendes, évitant l’imitation.

Borg McEnroe est une proposition différente dans le film de sport. Loin des biopics excessifs – on espère que Battle Of The Sexes offre un traitement du même style – on perçoit ici toute la personnalité européenne de l’entreprise. Cependant le long-métrage tombe dans quelques maladresses avant de parvenir à sa balle de match. 

Keyser Swayze

Biberonné à la Pop Culture. Je tente d'avoir une alimentation culturel saine et variée, généralement composée de films qui ne prennent pas leurs spectateurs pour des cons. Carpenter, Wright et Fincher sont mes maîtres.

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