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BlacKkKlansman : J’ai infiltré le Ku Klux Klan – critique

By 22 août 2018août 28th, 2018Critiques
Note de la rédaction :

Récompensé du Grand Prix au Festival de Cannes 2018, voici que débarque BlacKkKlansman. L’incroyable histoire vraie d’un agent de police afro américain qui intègre le Ku Klux Klan. Orchestrée par Spike Lee, la farce cache en réalité un discours fidèle au réalisateur de Do The Right Thing.

Police Academy

Ron Stalworth intègre la police de Colorado Spring en 1972. Après quelques temps sur le terrain, il appelle le Ku Klux Klan disant qu’il souhaite intégrer les rangs de l’organisation en disant son vrai nom. Ayant la couleur de peau incompatible pour rejoindre l’organisation, il va faire appel à un collègue, Flip , pour être Ron Stalworth sur le terrain. Malicieux et militant, Stalworth possède toutes les qualités pour être un héros du cinéma de Spike Lee.  Un boulevard pour le réalisateur américain s’amusant à mettre en scène beaucoup de situations où les origines des personnages sont confrontées.

Cela passe notamment par la relation entre Ron et son coéquipier, Flip. C’est la rencontre entre des mentalités opposées qui l’intéressent. Ne pas afficher sa foi ou sa culture, alors que les blancs étalent leurs privilèges à tout va. Comment être confiant face aux discrédits systématiques des blancs ?  Plutôt que dans faire un film virulent, une observation aigrie de la société, Spike Lee opte pour la méthode douce, la comédie et la farce pour transmettre ses idées. BlacKkKlansman est un film très (trop) verbeux qui cumule les punchlines et les moments de quiproquo total avec beaucoup de justesse. Quitte à se laisser porter par un rythme un peu bâtard jusqu’au final.

Tous les films sont politiques

Dire que le film est politique est un euphémisme. Pourtant, Spike Lee laisse de côté la mise en scène académique de son Malcolm X pour un registre plus groovy. Même si une scène de discours des Black Panthers, peu après le prologue, impressionne par son découpage et sa photographie iconoclaste, elle laisse la place à la Blaxploitation très rapidement. L’un et l’autre ne viennent pas s’annuler, au contraire elles se complètent. Spike Lee vient cartographier l’ensemble des moyens à disposition dans l’histoire du cinéma ayant servi la cause. En citant les films de l’époque bien sûr. Egalement en utilisant le paradigme de l’exploitation (plans débullés, split screen, zooms coup de poing…) pour servir son message. Un discours structuré, qui vient éclore par petites touches lors de quelques scènes clés.

 

L’attention portée à la mise en scène des oppressés se retrouve également du côté du Klan. Le scénario est assez malin pour ne pas seulement les tourner en dérision pour en faire des idiots. Mais des idiots suffisamment violents pour être effrayant. C’est cette nuance qui empêche le film de baigner dans le manichéisme scolaire. Leur incompréhension face aux changements sociaux est la première graine qui engendrera la violence. L’unique réponse possible selon eux. On peut le voir à travers leur rapport à la technologie. Ils ont de vieilles télévisions, sont incapables de déceler un micro miniature et ignorent que cela existe. Ils n’évoluent pas avec leur temps, imposant un mode de vie oppressant pour autrui : la femme dévouée à l’époux comme dans les banlieues WASP des années 50. Le point culminant du discours se trouvent lors d’un doux climax.

Réalisme et mensonge

Bien au-delà des effets de style, c’est dans la forme la plus simple de narration que BlacKkKlansman trouve son point d’orgue. Un sublime montage parallèle parfaitement dosé. Un quatuor de sources vient se télescoper et se donner sens. Une communauté se réunit autour d’un ancien, témoignant d’un vrai crime raciste dont il a été témoin. Les oppresseurs eux se réunissent pour se projeter individuellement dans un mensonge, en regardant Naissance d’une Nation. Film de chevet du Klan, qui fut à l’origine de sa renaissance en 1915. Film primal d’un racisme abject. D’ailleurs, son auteur D.W Griffith pour se faire pardonner réalisera Intolerance 4 ans plus tard. Fait amusant, c’est l’un des premiers exemples de montage parallèle dans l’Histoire du cinéma.

A partir de ces simples jonctions, comme les réalisateurs russes l’ont fait pour montrer les prolétaires, Spike Lee convoque un militantisme puissant, basé sur la contradiction, la concordance des faits et le pouvoir du montage. Cette séquence, comme aucune autre, sublime le pouvoir significatif du montage. Les réalités se mêlent aux reconstituons du film de Lee, pour se mélanger au mensonge du film de Griffith.  Cet effort se poursuivra jusqu’à la séquence finale permettant aux personnages du film un voyage spatio-temporel. Dès cet instant, on vire le réalisme pour basculer dans le réel. Là encore, le montage ou plutôt sa rupture avec la construction narrative offre un piédestal au message de l’auteur.

BlacKkKlansman est un film important. Un film qui affirme le pouvoir politique du cinéma. Tous les cinémas, de la simple série Z obscure au plus grand drame politique, ont pour mission de remplir ce contrat. Raconter notre monde, ses problèmes, ses contradictions et être capable de nous donner la force de nous dresser contre le Mal. 

Keyser Swayze

Biberonné à la Pop Culture. Je tente d'avoir une alimentation culturel saine et variée, généralement composée de films qui ne prennent pas leurs spectateurs pour des cons. Carpenter, Wright et Fincher sont mes maîtres.

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