Birdman est le dernier long-métrage de Alejandro González Iñárritu. Il était attendu ce film, et, foi de limougeaud, c’est un sacré morceau ! Qu’est-ce que je vais bien pouvoir raconter sur ce film qui n’a pas déjà été dit ou qui va être dit et écrit dix fois mieux ?
Tempête sous un crâne
C’est l’histoire d’un mec nommé Riggan comme Ronald (le roi du burger) qui fut une star du cinoche d’action (Michael Keaton, parfois aussi appelé Julien Lepers en France et dans les Dom Tom) dans les années nonante. Il était le fameux Birdman. Ahah, comme Batman alors ? Ben oui.
Mais les années 2000 et les nouveaux effets spéciaux sont passés par là, et puis il a vieilli, Birdman, et sa gloire passée a un peu terni, elle s’est effilochée comme une écharpe en soie abandonnée aux quatre vents sur un banc vermoulu…
Alors, notre bonhomme a la crise de la cinquantaine, il se sent devenu un has been, un peu comme Travolta avant Pulp Fiction et après Face Off (paf, dans ta face, Johnny) et, il veut se prouver à lui-même et à ses pairs, acteurs, auteurs et réalisateurs, qu’il est un putain de vrai acteur avec un cœur qui bat dedans, pas seulement une star d’action sur la voie de dépôt.
Il a donc la brillante idée de mettre en scène une pièce de Raymond Carver ( perso, jamais entendu parler de ce type) pseudo intello chiante dans un théâtre de Broadway. On va donc suivre les péripéties de Riggan préparant la grande première de sa pièce et assister à toutes les galères qu’il va rencontrer, de ses démêlées avec ses acteurs, la critique, sa famille etc., le tout filmé presque exclusivement dans le cadre du théâtre (unité d’action et tout et tout).
Et il va lui en arriver, des emmerdes ! Je vais pas tout raconter, sinon ça va durer des heures, parce que le film est vraiment, mais vraiment dense.

Poupées russes au lait cru
Avant qu’on passe aux acteurs, on est quand même obligé de dire, sur le pouce, vite fait, entre nous, que ce film a le complexe vache qui rit pour les français, poupées russes pour les… bref :
La vache qui rit, elle porte des boucles d’oreilles et dans les boucles d’oreilles il y a une vache qui rit. Et cette vache porte des boucles d’oreilles, etc… Là c’est pareil, Keaton joue le rôle d’un ancien acteur de films d’action et il a fait Batman dans la vraie vie, enfin comme acteur, enfin vous voyez ce que je veux dire, et il met un pièce de théâtre en scène sur la grande pièce de théâtre qu’est la vie et le tout est filmé par une caméra, enfin vous mordez le topo, c’est aussi appelé de la mise en abyme mais c’est plus lourd à digérer que la vache qui rit.
Que ceux qui n’aiment pas Keaton lèvent le doigt
C’est tout ? Ben, vous pouvez sortir, parce qu’on le suit pendant deux heures, avec une d’autres personnages (le mec de Hangover avec un nom grec pas possible en avocat, Edward Norton en acteur à la Brando super insupportable, Emma Stone en fille sortant d’une cure de désintox ultra craquante et j’en passe).
Donc Keaton, il est partout, et il fait tout ! Il crie, il pleure, il bave, il rit, il cogne il grince, il se désape, il passe et dépasse par toutes les gammes, monsieur mille visages ! Il est incroyable, omniprésent, omniscient, épuisant, génial. Je vous avouerai même qu’à la fin il m’a tiré la larmichette, ce sagouin !
L’Oscar 2015, ce sera lui ou Steve Carell qui a réussi à devenir encore plus moche que d’habitude dans Foxcatcher (à ce propos, je vous invite à lire et relire l’excellente critique de mister Doc Ciné sur ce même site). Attention, les autres acteurs sont solides, Norton en tête, mais il les dégomme, les surpasse tant qu’on les oublie. Et puis il est aidé en cela par la maitrise de ouf d’Inarritu.
I never wanted to make this film from a bitter side, from a preachy side, or saying what is right and what is wrong, or fuck the blockbusters, or fuck the critics. To make a film to complain? I would not spend two years or three years of my life doing that. That’s what I’m saying. My big quest was not complaining about how the big blockbuster has infected the world and created a cultural genocide [laughs]. […] In a way, I want to feel compassion for all these characters that are full of flaws and have limitations. And that’s what it was about for me. Not to preach or complain.
Alejandro González Iñárritu
Birdman, noir c’est noir
Il a fait son chemin, le frijolero, depuis Amores Perros. Il a fait pleurer Hollywood avec 21 Grammes et Babel, et puis Biutiful, même qu’à partir de Babel j’avais décidé de laissé tomber ce type, je m’étais ouvert les veines à la fin du film et avais été banni du cinoche à vie…
Un réalisateur précis, perfectionniste et talentueux, mais putain, Joe la déprime, le mec ! Ben il s’est ressaisi, gracias a dios. On a du lui tirer les oreilles en haut lieu, ou alors il s’est remarié, ou alors il a divorcé, ou alors il a été aux putes ou alors il a découvert Paolo Coelho et il l’a kiffé, je sais pas, mais il s’est calmé !
On rit beaucoup dans Birdman. C’est dû en partie aux dialogues qui s’enchainent sur un rythme époustouflant – comme par exemple Riggan demandant à une de ses actrices : Oh my gosh! How do you know Mike Shiner? Réponse de celle-ci: We share a vagina – mais aussi à certaines situations loufoques, grotesques, comme la baston de chaton entre Norton en slip sortant du solarium et Keaton.
On est émerveillé, dans Birdman ! Mais oui, il l’a réussi son film sans cuts, avec des moyens encore moins voyants qu’Hitchock dans The Rope (les technologies et les caméras ont évolués depuis), et en plus, il paraît qu’il a filmé le tout en un mois ! Les acteurs on du en chier, d’ailleurs au casting ils ont pas pris Pacino parce que le tournage aurait duré un an, il a jamais appris une ligne de dialogue par cœur (et paf pour Pacino, qui d’ailleurs va revenir en force avec Danny Collins, oh putain le désastre, mais pourquoi il prend pas sa retraite, il l’a méritée, il était génial, maintenant il est juste pathétique, le pauvre, que c’est triste). Fin de l’aparté.
On est entraîné dès le premier mouvement de caméra dans une farandole ininterrompue, de couleurs, de sons, de… euh… enfin ça fourmille, sur le rythme débridé d’un solo de batterie jazzy acidulé qui nous donne encore plus le tournis, qui illustre à merveille le chaos s’opérant dans la tête de Riggan. Ses petits trips surréalistes, comme lorsqu’il s’envole où fait voler les objets autour de lui, ne sont jamais ridicules.
Un putain d’orgasme !
Ah il faut citer aussi une (des nombreuses) scène géniale : Keaton en haut d’un immeuble avant première représentation en pleine gueule de bois. Il a l’air paumé. Un type lui demande s’il a besoin d’aide. Il fait son sourire flippant certifié 36 bis, oui, celui-là, lui sort une phrase style super-héros, saute dans le vide et s’envole.
Donc, oui, ce film est en tous point très réussi, il est proche de la perfection, toutefois, il peut déplaire à certains. Ma copine par exemple, m’a dit en sortant : mater pendant deux heures la petite crise existentielle d’un acteur égocentrique, franchement, c’est nul. Mais je ne suis pas de cet avis là et je l’ai corrigé comme il convient à coups de cravaches lorsque nous fûmes rentrés dans la paisible quiétude de notre demeure. Les choses sont rentrées dans l’ordre et je pus dormir du sommeil du juste, tel François Pommier répartissant la justice sous son catalpa. J’ai tout de même réfléchi à sa réflexion par la suite et me suis dit en comparant aux classiques que cela n’atteint pas les sommets de la crise créatrice de Fellini dans Huit et Demi et la petite morale finale de bon ton lorsque l’acteur se réconcilie avec sa fille fait baisser le niveau général mais bon… on va pas faire non plus les mégas relous. C’est un excellent film.
Alors, allez le mater si le cœur vous en dit, et sinon, dégustez un bon plat de chouquettes avec de vrais morceaux de Saint-Marcellin dedans.