Edgar Wright, un nom furieusement attaché à la culture geek. Son œuvre (Spaced, la Cornetto Trilogy & Scott Pilgrim) s’appuie sur un étalage de références pop frôlant l’écœurement. Après le différent artistique débouchant sur le hors piste Ant-Man, Wright avait besoin de délaisser cet univers trop grand public. Il revient donc se blottir dans le cinéma de niche avec Baby Driver une œuvre personnelle, avec en ligne de mire le pari d’être la quintessence de son cinéma.
Avant de commencer, je voudrais remercier chaleureusement Vico Loco sans qui cette critique n’existerait pas aujourd’hui. Merci, maestro. T’es le meilleur <3
B-A-B-Y, Baby (Ansel Elgort) est un pilote hors-pair, exécutant des contrats pour le chef de la pègre d’Atlanta, le Doc (Kevin Spacey). Sur les sièges passagers, défilent une palanquée de truands joués entre autres par Jon Hamm, Eiza González & Jamie Foxx. Arrive alors le one last ride qui va mettre les sentiments de notre héros à rude épreuve. Lui, récemment tombé amoureux de Debbie (Lily James) , une jeune serveuse.
Beat on the brat
En premier lieu, Baby Driver a des airs d’un énième film de gangsters/bagnoles. Une mécanique bien huilée où se télescopent un dernier job qui se déroule pas sans accroc, des personnages archétypaux, une idylle plus glucosée qu’un saut de barbapapa. Le scénario laissera donc sceptique les moins cinéphiles. Les références sont facilement discernables et assumées : Heat, Guet-Apens, Bonnie & Clyde et en pole position le diablement grisant The Driver de Walter Hill. Si le film cumule autant les poncifs, c’est pour mieux s’en amuser. Les ajouts de Wright sont reconnaissables et c’est là que l’écriture tire sa pleine puissance.
Les dialogues se répondent entre plusieurs scènes éloignées dans le film à la manière d’un simple. Une écriture déjà expérimenté dans Scott Pilgrim. Dans ce dernier, ces tentatives étaient moins réussies car trop artificiels. Le gimmick comic book venant ternir l’effet. Elles sont, dans Baby Driver, extrêmement funs.
On trouve aussi des runnings gags génialement construits dans le style de Ed Neumeir. Enfin, un humour encore plus travaillé que ses précédents scripts. À la fois référencé, absurde ou slapstick, Wright fait mouche dans tous les genres.
Les différents personnages sont soigneusement écrits et incarnés. Tout d’abord Jamie Foxx, venu se racheter une carrière après un Amazing Spider-Man 2 boursoufflé, est littéralement habité en truand psychotique. Spacey et Hamm s’en sortent impeccablement. Et l’alchimie Elgort/James fait totalement effet sans être mielleuse. Enfin, la relation entre Baby et son père adoptif est très touchante, apportant des scènes de transitions finement ciselés.
Hit me baby, one more time
Durant l’intrigue, Wright s’octroie quelques détours. Résultant des petites longueurs en milieu de métrage. Causées par l’absence de musique, elles représentent le point limite du gimmick voulu par le réalisateur de Don’t. Le film est construit autour de sa bande originale. De ce fait, Wright exploite une profusion d’effets fracassants pour retranscrire la musicalité sur pellicule. Montage suivant les mesures ou un instrument, coups de feu surmixés pour épouser le beat sont les quelques exemples utilisés par un créateur au somme de son art.
Ainsi, la crainte d’un film clipé est balayé dès la séquence d’ouverture où une escapade anodine en centre ville se transforme en chorégraphie. Pulvérisant au passage le plan séquence inaugural de La La Land. Le film est une comédie musicale. Un ballet où la taule, les cœurs et les balles virevoltent au rythme d’une bande son parfaite, à l’éclectisme brillant. Queen, T-Rex, Beck et Run The Jewels pour ne citer qu’eux, se retrouvent transcendés par le découpage et la réalisation époustouflante de Wright. Comment ne pas headbanger durant la séquence de gun fight complètement barge sublimée par le Hocus Pocus du groupe Focus.
D’ailleurs, chose amusante, le film se veut comme un remake, ou du moins l’héritier du Driver de Walter Hill. Il en sample plusieurs plans ou dialogues, de façon totalement hip-hop. Or, Wright s’est amusé à prendre les morceaux à l’original de classiques du Hip-Hop comme The Edge de David Callum emprunté dans The Next Episode. Un échange habile qui donne une seconde vie à ces classiques. Saupoudrant le film d’une patte old school en osmose avec le genre dans lequel il s’inscrit.
Enfin si Baby Driver est un tour de force visuel, c’est également grâce à une direction artistique irréprochable. Tous les éléments (costumes accessoires, décors) trouvent un sens, se répondent et se percutent avec une sincérité et un sens du détail exaltant. Cela passe également par un refus de CGI. Toutes les cascades ayant été exécuté par les acteurs sur le plateau.
Baby Driver est une pleine réussite. Porté par un casting brillant, des caméos savoureux et d’une énergie furibonde. Edgar Wright (qui a l’idée du film à l’âge de 21 ans) signe un film d’une incroyable fraicheur, un tropes codifier qui sera singé pendant les 10 prochaines années. Le fun.
Ce mec a totalement raison
El Viko Loko