Iron Man est sorti sur nos écrans il y a maintenant 10 ans. 10 ans que le pari fou d’Avi Arad et Kevin Feige a vu le jour. Suggérant, comme la toute première scène post générique le laissait entendre, que les héros Marvel évolueront dans un univers plus vaste et étoffé. Similaire à leurs homologues de papier. 10 ans se sont passés et le MCU est aujourd’hui l’une des plus grandes franchises de toute l’histoire du cinéma. Une décennie jalonnée d’hésitations et de réussites. Ayant parvenu à affiner un modèle solide qui se réinvente peu. Des doutes germaient sur la qualité de cette célébration. Pourtant , le pari est réussi.
Teasé depuis 6 ans maintenant, Thanos se décide enfin à chercher toutes les gemmes de l’infini afin de mettre à exécution son plan : décimer la moitié de l’univers. Les Avengers vont devoir se réunir pour mettre un terme aux massacres du Titan Fou.
Avengers : Infinity War est un événement. Pour l’industrie, pour Marvel et pour les spectateurs. Car derrière ce titre se cache une galaxie de promesses. Des attentes suscitées depuis la fin du premier Avengers qui ont mûri avec le temps. Avec la déception d’Age Of Ultron, avec la banalisation d’une formule insipide, avec de l’humour systématique , avec des scènes post-génériques beaucoup trop aguicheuses. Bref, Infinity War avait surtout dans son cahier des charges la mission de réconcilier une large frange du public avec l’univers Marvel.
Earth’s Mightiest Heroes
Le film s’accorde à n’oublier aucun personnage. L’immense fresque que représente ce crossover aligne 70 héros à l’écran avec beaucoup de réussite. Les scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely conservent la plupart des traits psychologiques des personnages. Les vengeurs originaux ont plus de sagesse et appréhendent de manière plus responsable le combat. L’échec du combat en Sokovie face à Ultron et l’affrontement durant Civil War a rendu les héros plus vulnérables et nuancés. Tandis que les nouveaux oscillent entre deux écritures. Strange et les Gardiens acquièrent un nouveau souffle et une écriture plus inspirée. Leurs blagues font souvent mouche. Le duo semble avoir cerné les enjeux et les failles de chacun d’entre eux, notamment les Gardiens qui ont enfin des interactions fluides. Les interruptions ainsi que leurs vannes s’intégrant parfaitement dans leurs joutes verbales.
De l’autre côté, certains personnages s’épanouissent difficilement. La Sorcière Rouge et Vision souffrent toujours du même traitement trop cliché. Pas assez sincère mais trop pompeux pour ressentir une émotion réelle émaner de leur relation, conséquence de leur introduction expéditive dans le précédent opus d’Avengers. Spider-Man également fonctionne sur ses mêmes rouages grippés. Notamment dans sa relation avec Tony Stark qui n’a pas évolué depuis leur rencontre dans Civil War (déjà écrit par Markus et Mcfeely).
All-New, All Different Marvel Now
A l’œuvre sur les 3 Captain America, le duo a fait sa spécialité du montage parallèle. Face à l’armada de capés, les auteurs ont désigné des équipes évoluant en parallèle. Comme à un mariage, ils ont allié les membres les plus incompatibles du roster. Ce qui donne de grandes confrontations entre les égos Stark-Quill-Strange ou encore le team up génial entre Thor et le duo Rocket/Groot. La team Captain America est la plus faible du roster. Déjà aperçue dans Civil War, l’association des héros manque de mordant. Et les scénaristes ont pleinement conscience du dilemme. Leur place étant moins importante dans la structure du récit.
Pourtant le film réussit à conserver son rythme, chaque groupe s’alternant de manière plutôt équilibré. Toutes les séquences donnent un réel enjeu pour la suite du long métrage, tout en faisant suivre la sous intrigue de chaque personnage. Pour la première fois, Marvel Studios revient à son matériau de base : le comic book. Le studio de Kevin Feige avait la fâcheuse manie d’insuffler à ses productions un vernis hérité d’un genre. Spider-Man Homecoming était un teen movie, Ant-Man un film de braquage etc. Avec Infinity War, Marvel offre un comic book movie. Chaque séquence est un numéro qui prend place dans une intrigue plus globale : utilisant le cliffhanger comme argument pour nous tenir en haleine, se livrant même à l’exercice du flashback et de quelques moments en apesanteur pour dévoiler son grand méchant : Thanos.
Mad Titan
C’est l’immense point positif. Le MCU a tendance à minimiser ses vilains, généralement une conversion méchante du héros, même costume, même pouvoir. C’est le cas pour Ant-Man, Black Panther, Captain America. Thanos est une exception. Il bénéficie d’une écriture plus travaillée. Son parcours laisse entrevoir des failles, des faiblesses qu’il tente de conjurer via sa quête. Son appétit pour les gemmes de l’infini est nourri par ses blessures et sa vision du monde. Une dévotion à une cause idéologique. Tranchant naturellement avec les autres vilains, motivés par le pouvoir ou un désir matériel.
Accompagné de sa garde, servant de boss de fin de niveaux aux héros, il répand le chaos à chacun de ses immenses pas.
Son rendu est aussi impressionnant que la puissance de ses coups. Chaque cicatrice et trait rendent crédibles le Titan Fou.
Josh Brolin donne de sa voix pour insuffler une mélancolie et une méchanceté à ce personnage hors-norme. L’interprétation donne beaucoup d’éléments sur la destiné du personnage. Laissant entendre qu’il n’a pas choisi sa mission. A la manière de ces héros qui n’ont pas demandé à acquérir leurs pouvoirs. Le travail de motion capture est lui aussi de très haut vol. Brolin ne faisant qu’un avec le personnage. Parfois même un peu trop.
Get this man a Shield
Pour ce qui est du reste des FX, l’ensemble est en demi-teinte. ILM peine à intégrer Bruce Banner dans le Hulkbuster (ce qui nous offre une jolie escapade dans la vallée dérangeante). Thor a quelques textures manquantes lors de la séquence du Wakanda. A croire que le Wakanda est maudit question effets visuels.
La caméra des Frères Russo est dans la même lignée que leurs précédents efforts pour le studio. Pas brillante, elle offre quand même de jolies séquences, en fonction des héros. La séquence où Spider-Man se balance enfin des buildings New-Yorkais justifie à elle seule votre place de cinéma. Globalement, les Russo ont plaisir à filmer les héros volants, capables de retranscrire la fluidité et le sentiment de vol avec beaucoup de précision et de créativité.
Idem pour Doctor Strange : les deux frères offrent de nouvelles techniques au personnage pour mettre en boîte un puissant duel contre Thanos.
Mais dès que les combats restent au sol, la caméra sismique des Russo rend l’affrontement illisible. Certains plans sont confus et manquent d’impact. Montées dans un contretemps désagréable, certaines rixes viennent ternir l’ensemble. Sans compter la dizaine de plans de tirs, qui viennent alourdir les séquences d’actions.
Avengers Infinity War ne manque pas de défauts. Il se démarque pourtant du canevas habituel par une réelle ambition artistique. La plupart des combats sont réussis et Thanos est une menace crédible pour le MCU. La structure comme la gestion du roster est un immense tour de force. Certaines séquences artificielles sont évidemment présentes mais compte tenu du projet, c’était inévitable. Quant à sa conclusion, elle rompt définitivement les ponts avec le passé. Infinity War est une fin et un renouveau. Plus rien ne sera jamais comme avant.