On le sait, il y a à boire et à manger dans la jungle des projets culturels que l’on retrouve dans ce qu’on appelle le crowdfounding ou « financement collaboratif » (KissKissBankBank, Ulule et j’en passe).
Pour une fois, j’aimerais appuyer le processus de financement d’un projet qui me tient tout particulièrement à coeur : aider à finaliser Other Side of the Wind, le fameux film inachevé d’Orson Welles, rien que ça ! Le projet est sur la plateforme IndieGogo.
Pourquoi ?
Attendez, on parle du dernier film de l’un des plus grands artistes du 20ème siècle… Mais revenons un instant sur le projet :
The Other Side of The Wind est donc un film inachevé d’Orson Welles qu’il a tenté de mettre en oeuvre pendant plus de 6 ans (1970-1976).
Le film repose sur deux histoires inventées respectivement par Welles et sa compagne. Il raconte l’histoire d’un vieux réalisateur, J.J. Hannaford, mélange de John Ford et d’Ernest Hemingway qui fait son come-back à Hollywood après plusieurs années d’exil en Europe. Il est en train de finir un nouveau film avec lequel il veut mettre au défi, sur le terrain, « toute la palette du jeune cinéma américain, depuis les cinéphiles mélancoliques jusqu’à Andy Warhol ». Une fête est organisée en son honneur dans son ranch par tout le gratin hollywoodien à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire. Cette soirée se terminera par la mort du réalisateur au volant de la voiture de sport qu’il voulait offrir à son acteur favori, sans que l’on sache s’il s’agit d’un accident ou d’un suicide.
Welles aurait eu l’idée du personnage d’Hannaford par le biais du travail de son ami Bogdanovich qui, avant de devenir réalisateur lui-même, avait interviewé de nombreux vieux réalisateurs mis sur la touche par le système.
Orson Welles fait diffuser deux séquences de ce film lors de la cérémonie organisée en son honneur pour la remise du « Life Achievement Award » à l’American Film Institute, le 9 février 1975 notamment celle, ironique et en relation directe avec sa propre expérience à Hollywood, dans laquelle on voit, dans une salle de projection, un assistant d’Hannaford tenter vainement d’expliquer à un producteur d’Hollywood, dubitatif, une séquence non montée du film.
Le film devait signer le grand retour d’Orson Welles à Hollywood. Au début autofinancé, le projet prend du retard et Welles finit par faire appel à des bon-samaritains venant du monde entier. C’est là où les problèmes finissent vraiment par arriver : Welles commence à avoir des problèmes avec ses financeurs (notamment avec son financeur iranien qui, il est vrai, doit subir une révolution dans son pays, ceci expliquant sans doute cela).
Croyant à plusieurs reprises le projet torpillé, puis sauvé, puis à nouveau torpillé, Orson Welles n’aura jamais la chance de retrouver le contrôle total de son oeuvre et passera les dernières années de sa vie à lutter sur ce projet. Rien que pour cela, je trouverais que ce serait un bel hommage que ses propres fans tentent de finaliser ce projet.
Comment ?
Après des années de lutte pour obtenir les droits (et oui quand il y a beaucoup de financeurs c’est pas une sinécure…), le projet est à nouveau sur de bons rails depuis l’année dernière.
Une opération de crowdfunding a été mise en place sur Indiegogo avec le soutien de quelques personnalités assez importantes (je vous laisse en juger…), ce qui laisse peu de doute sur le sérieux du projet :

Le budget initial du film The Other Side of the Wind était de 2 millions de dollars (soit 10 millions de dollars d’aujourd’hui). Une partie de ce budget a été englouti dans la conservation des bobines originales du film. Une grosse partie de la recherche de financement doit servir à numériser et traiter les bobines originales (40%) :

Comment vont travailler ceux à l’initiative du projet ?
Pendant la période de conflit avec ses financeurs, Orson Welles n’avait pas accès aux bobines, mais il a été en mesure de s’approprier en douce certains rushs.
Avant sa mort, il parvient même à monter lui-même 40 minutes de son film. Tout ceci est parfaitement intact.
En outre, Orson Welles a laissé énormément de note très précise sur le scénario. Pour le reste (les éléments sans indications précises), le monteur qui travaillera sur projet, contacté par les reponsables du projet dont Peter Bogdanovich lui-même, complétera le reste de la post-production selon sa propre vision du film.
Voici le processus prévu :
- Acquérir les négatifs originaux
- Numériser en 4k
- Monter le film sur la base du scénario, du script et des notes d’Orson Welles
- Restaurer et coloriser les images
- Produire une bande-son et un mixage
Ah, dernière chose, je vous laisse avec une personne qui arrivera peut-être à vous convaincre :