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1917 de Sam Mendes – Critique

By 15 janvier 2020Critiques

Grand favori des Oscars, gagnant aux Golden Globes, Critics Choice Award, 1917 de Sam Mendes semble faire l’effet d’un ras-de-marée en ce début d’année 2020. A la manière d’un Birdman d’Iñárritu, qui a su faire parler de lui pour son (faux) plan-séquence, Sam Mendes réitère l’expérience en augmentant d’un niveau l’exploit du plan séquence en l’installant dans une histoire ayant lieu pendant la première guerre mondiale. Exploit ou poudre aux yeux ? Il est vrai que ces dernières années la technique du plan-séquence avait le vent en poupe, en commençant par Birdman, Victoria, Utoya, ou s’attachant à éblouir son public par une scène d’ouverture en plan séquence: Avengers l’ère d’Ultron, Spectre, The Revenant… Comme un témoignage fort d’une transition technique dans le monde du cinéma, le numérique semble crier haut et fort qu’il est aisé avec son matériel de produire des scènes relevant de l’extraordinaire. Entouré d’une incroyable équipe dont le directeur photo Roger Deakins, le compositeur Thomas Newman, Sam Mendes semble exprimer une volonté de dépasser cet exploit technique pour insuffler au long-métrage une certaine poésie.

Deux jeunes soldats sont choisis pour livrer une lettre qui évitera à une division anglaise un destin tragique.

Pour tenter de porter à l’image un récit de guerre raconté par le grand-père du réalisateur, il fallait faire des choix. En plus de la technique, il devait choisir un angle pour raconter cette histoire qui l’air de rien peut sembler extraordinaire. Bien qu’il ait été raconté par ce fameux grand-mère, le message oral n’est pas exempt d’erreur et de justesse. Un défaut de mémoire, ou bien de subjectivité, ce récit est néanmoins un point de départ fascinant pour plonger dans la grande histoire. Sam Mendes devait être
conscient que choisir deux jeunes soldats afin de faire passer un message pouvait sembler irréaliste, c’est pour cela qu’il a choisit un angle plus épique et parfois lyrique pour en faire un mythe assumé qui pourrait nous rappeler l’Odyssée dans sa forme. L’épique du récit pouvant faire penser au Seigneur des Anneaux, le message peut être comparé à l’anneau unique , dans l’idée de déplacer un objet d’un point A à un point B. Les sentiments sont exaltés par ses soldats naïfs innocents ( malgré leurs précédent faits de guerre). Pas de doute, dès le premier plan, nous voyons ces personnages allongés dans un lieu idyllique, épargné de toute barbarie avant de se confronter à l’enfer sur terre.

Dans ce choix de métaphore, 1917 arrive aisément à nous emporter dans une représentation moins viscérale comme s’il assumait une histoire légendaire et loin du réel. Là où l’exercice aurait pu trouver une limite c’est dans l’utilisation de l’espace et de la caméra. Entre les tranchés et le no man’s land, la caméra se frotte aux soldats et propose avec efficacité une immersion colossale. Le duo d’acteur saisit avec
justesse leur rôle qui ne perd jamais en densité alors que le plan séquence ne leur laisse aucun répit. L’écriture du film et de ses séquences nous fait penser à l’enchainement de tableaux tant la diversité des séquences et des situations est impressionnante. Un travail des décors et des plans sublimé par la lumière de Roger Deakins et la musique de Thomas Newman montre un sens du détail acéré.

Loin d’être de la poudre aux yeux, 1917 nous propose un authentique moment de Cinéma avec un grand C. Ne délaissant pas un instant son scénario pour des effets de mise en scène, Sam Mendes nous livre un périple digne des récits antiques.

Pancake

Jeune scénariste, étudiant à Paris-Sorbonne et éventuellement critique de film

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