The Strangers est le dernier film du réalisateur sud-coréen Na Hong-jin, déjà auteur des remarqués The Chaser et de The Murderer.
Samedi soir, alors que l’équipe de Doc Ciné et son avocat étaient nonchalamment affairés à écrire l’avenir de la critique devant un pichet de mojito, deux hollandais et leur mignon sont venus nous demander de les aider à trouver de la musique et des grosses bites. Gens de défi, nous avons bien entendu relevé le gant. Car c’est aussi ça, Doc Ciné : des rencontres, des organes génitaux dilatés et des aventures improbables, tout autant que The Strangers, le dernier film du réalisateur sud-coréen Na Hong-jin, auteur de The Chaser et de The Murderer.
Fruit mutant d’une partouze entre l’Exorciste, Twin Peaks et Memories of Murder, The Strangers est un hybride hallucinant, qui ne pouvait sans doute voir le jour qu’au pays du matin calme. On savait déjà la Corée du Sud la contrée des serial killers (I Saw the Devil) et de la vengeance, qui a donné lieu à un riche cinéma de genre que Park Chan-wook a, notamment, sublimé, on en découvre avec la dernière œuvre de Na Hong-jin une nouvelle facette inquiétante.
Comme à l’accoutumé dans le cinéma sud-coréen, la forme est particulièrement aboutie. Fluide, à la fois dans son montage et la qualité de la mise en scène, qui fait la part belle aux travellings, et marquée par une photo d’une très grande qualité, notamment lors des scènes nocturnes où ressort un jeu de clair-obscur, elle se distingue en outre par une utilisation judicieuse et immersive du son, comme en témoigne la scène d’arrivée sur le premier meurtre, d’où émerge le sentiment qu’une averse s’abat dans le cinéma. Comme dans The Chaser, la pluie est d’ailleurs un élément d’ambiance important, sombre, mystérieux et inquiétant.
Sans renier ses réelles qualités esthétiques, c’est toutefois par son récit et la grande qualité de sa narration que se démarque The Strangers. En effet c’est avec une incroyable audace que Na Hong-jin mêle une grande variété de tons, convoquant dans un même film l’humour pétomane et la violence, la comédie hystérique et l’exorcisme baroque, laissant progressivement s’installer dans ce qui semble au premier abord un thriller une ambiance fantastique. Malgré un rythme inégal, dû parfois à ces changements de ton et qui amène quelques moments de creux, le film s’avère très réussi et particulièrement cohérent, notamment grâce à un chef d’œuvre de dernière demi-heure tout en tension, qui amalgame parfaitement les différents éléments du scenario et que seules viennent tempérer d’ultimes images un peu trop explicites, au demeurant dispensables.
Si cette richesse trouve son point d’équilibre, c’est également car Na Hong-jin place la manipulation au cœur de son film. Dans le récit lui-même, tout d’abord, écheveaux de personnages et de strates, mais aussi dans la narration, qui prend régulièrement le spectateur à contre-pied en multipliant les fausses-pistes, en mêlant des éléments de rêve et de réalité et en suscitant subtilement l’empathie pour des figures menaçantes. Alors que le risque serait grand de voir le cinéaste se prendre à son propre jeu en perdant le public ou en diluant son récit, il s’en sort à merveille, ne perdant à aucun moment le fil conducteur de son scenario, ce qu’illustre parfaitement la dernière demi-heure.
Enfin il importe de souligner la qualité du jeu des acteurs, en particulier de Kwak Do-won, en flic stupide et terrifié, Kim Hwan-hee, qui interprète sa fille, Jun Kunimura, étranger mystérieux et inquiétant et Hwang Jeon-min, en chaman cinglé.
Bonus artistique : amateurs de collages qui envoient de la terrine de chaton, séminaristes, anciens charcutiers et championnes de lutte, je vous invite à faire un tour ici.