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les négriers
Note de la rédaction :

Note de la rédaction :

La carte-blanche à Nicolas Winding Refn du Festival Lumière 2015 recèle au moins un film WTF que j’ai eu le douloureux plaisir de voir en soirée… Les Négriers (1971) est le cinquième long métrage des réalisateurs associés Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi, les « responsables » du genre mondo movie. Film longtemps censuré pour sa vision caricaturale de l’esclavagisme, Les Négriers brille par sa vision racoleuse du cinéma de genre. Reste une BO sublime et des images qu’on voudrait oublier. Critique.

Alors, allons-y, hum :

Les deux réalisateurs, Jacopetti et Prosperi, révèlent d’emblée au spectateur qu’il se trouve en présence d’une représentation de fiction. Les Négriers est un pseudo-documentaire qui se déroule aux États-Unis sous la période esclavagiste du XIXe siècle. Par quel procédé scénaristique de haut vol les réalisateurs parviennent à faire un documentaire se déroulant un siècle avant ? Et bien, figurez-vous qu’ils s’en balancent royalement et plongent le spectateur directement dans cette aventure anachronique gênante… Le film débute par une scène d’hélicoptère et on comprend que les deux auteurs modernes sont projetés dans le passé, aux prises avec des personnes de l’époque – tous concernés par le trafic d’hommes ou de femmes africaines.

Ce film se présente comme une satire sociale de l’Amérique du XIXe siècle en montrant de façon brutale la situation dans son contexte – le tout sans point de vue, ni discours des auteurs, ces derniers ne posant que des questions naïves.

Ce qu’on en pense est évidemment difficile à définir tant le film s’inscrit dans un contexte particulier que nous allons décrire plus bas. D’une part, ce film bénéficie d’une production plutôt de qualité (beaucoup de figurants, une composition technique soignée, de beaux costumes), mais  à part ces considérations techniques, rien ne peut vraiment être sauvé.

Le contexte

Tout d’abord, précisons que Les Négriers a été tourné aux États-Unis et à Haïti grâce au dictateur François Duvalier (Papa Doc) qui accorda le statut de corps diplomatique à la troupe entière pour les dix huit mois du tournage.

Le film est sorti quelques années après Africa addio, à l’origine de polémiques idéologiques, dues à la description des difficultés en tous genres du continent africain après la fin du colonialisme européen.

Le film est un exemple assez choquant de ce qu’on a appelé le genre du mondo (aussi appelé mondo film, ou mondo movie). Il s’agit d’un courant du cinéma d’exploitation caractérisé par une approche pseudo-documentaire très crue, dont le montage et le choix des images mettent en avant un aspect racoleur ou choquant du thème (en privilégiant par exemple l’exotisme, le sexe et la violence). Ici, tout est montré avec une certaine concupiscence, l’histoire et la volonté de dénoncer (ou non, on ne sait plus trop) l’esclavagisme ne semble tenir lieu que d’excuse pour montrer des hommes et des femmes nus dans des situations dégradantes et, parfois, même à la limite de la légalité : la manipulation des enfants, les gros plans sur les sexes (des nourrissons aussi…) et la violence qui ne semble pas simulée envers ces pauvres figurants.

Bref, ce film est assez détestable et ne mérite pas vraiment la moindre sympathie, tant tout semble avoir été fait sans imagination pour parvenir à choquer facilement, le tout à des fins commerciales. Mais, encore une fois, précisons que ce film s’inscrit dans un contexte particulier, qui est celui du cinéma d’exploitation du début des années 1970, période libertaire et d’expérimentations pour le pire et le meilleur…

Réception du film

Le film a été accusé d’être une vitrine pour le racisme et prônant le néo-esclavagisme à cause de la multitude de personnages de couleur, souvent dénudés mise à disposition par le dictateur haïtien. Le film étant jugé choquant a été immédiatement interdit de sortie en salles dans sa version d’origine en 1971 : Censure, mise sous scellés, puis de nouveau remontage et rediffusion sous le titre Zio Tom. La nouvelle version s’étant attirée l’unanimité des protestations obligea le distributeur à la retirer rapidement du circuit.

Le « director’s cut » (140 minutes environ) est maintenant disponible en DVD (édité par Blue Underground) dans certaines éditions étrangères dont The Mondo Cane Collection, sorti aux États-Unis qui comporte aussi l’édition complète de Mondo cane, Mondo cane 2, La Donna nel Mondo, Africa addio et le documentaire The Godfathers of Mondo, sur la carrière des deux réalisateurs de mondo movie.

Pour conclure, seule la bande originale du film, de Riz Ortolani, collaborateur de Jacopetti et Prosperi depuis Mondo cane et auteur de la superbe BO de Cannibal Holocaust, peut réellement être sauvée de ce marasme idéologique et de très mauvais goût.

Après, bien sûr, on peut décider de prendre le film au second degré à la manière d’un épisode de South Park sur l’esclavage, mais à DocCiné nous préférerons toujours rire de quelque chose qui a été pensé pour faire rire… Mais, encore une fois, précisons que ce film s’inscrit dans un contexte particulier, qui est celui du cinéma d’exploitation du début des années 1970, période libertaire et d’expérimentations pour le pire et le meilleur… Il est inutile de s’indigner outre-mesure contre ce film, mais avouons qu’il est également très difficile de regarder ce film aujourd’hui.

4
note globale
Noodles

Fan de cinéma depuis longtemps, je partage mes opinions avec vous. N'hésitez pas à me donner votre avis sur mes critiques. Sur Twitter je suis Noodles, celui qui tombe systématiquement dans le piège des débats relous.

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